Maxwell Alexandre, un regard puissant sur la négritude des afro-descendants brésiliens exposé au Musée d’Art Contemporain de Lyon

Maxwell Alexandre s’inspire de sa vie dans la favela Rocinha à Rio de Janeiro pour créer une œuvre narrative, complexe et engagée, dans un Brésil en tension. Il construit un univers singulier à partir d’œuvres à la fois fragiles et puissantes.

Maxwell Alexandre, Só quando tu tá com…, de la série Pardo é Papel, 2018. Courtesy the artist

Inspirées de la peinture murale, de la musique rap et de sa pratique du roller qui a profondément influencé sa perception de l’espace urbain, Maxwell Alexandre capte l’énergie de la ville. Ses œuvres représentent le collectif et soulèvent de nombreuses problématiques sociales, culturelles et politiques. Sur différents supports comme du papier brun, des portes et des cadres de fenêtres en fer, se dessinent des situations de la vie quotidienne dans lesquelles des groupes d’individus anonymes aux visages à peine esquissés (femmes, enfants en uniforme, ouvriers des services urbains, policiers…) circulent dans les rues et les ruelles de Rocinha, la plus grande favela de Rio de Janeiro, où il vit et travaille. En réalisant des fresques monumentales et populaires l’artiste, par sa peinture fluide et précise, célèbre le corps afro-brésilien dans une position assumée de pouvoir.

Des oeuvres en couleur de papier : PARDO É PAPEL

En 2019, le Musée d’art contemporain de Lyon offre à Maxwell Alexandre, le jeune artiste brésilien, sa première exposition monographique hors du Brésil. À cette occasion, le musée accueille l’artiste pour une résidence d’un mois à Lyon, durant laquelle il réalise de nouvelles peintures. Le titre de l’exposition Pardo é Papelfait référence en portugais, à travers l’emploi du mot Pardo, aux teintes des peaux brunes qui furent largement associées à l’esclavage et au colonialisme. Pardo est ici amplifié par le papier kraft « Papel » qu’emploie à dessein Maxwell Alexandre pour incarner l’affirmation des communautés afro-descendantes.

Maxwell Alexandre, A lua quer ser preta, se pinta no eclipse, de la série Pardo é Papel (détail), 2018
Latex, cirage à chaussures, défrisant, bitume, teinture, acrylique, vinyle, graphite, stylo à bille, charbon et pastel à l’huile sur papier kraft
320 x 476 cm
Collection particulière, Majorque
Courtesy Fortes D’Aloia & Gabriel et A Gentil Carioca

L’art abstrait pour transition : de roller professionnel à artiste contemporain montant 

Maxwell Alexandre, parallèlement à ses études d’art à Rio de Janeiro (Brésil) et son service militaire, a pratiqué le roller à un niveau professionnel de 14 à 24 ans. Intéressé par l’art, il essaie de combiner les deux disciplines: « J’ai commencé par la peinture abstraite parce que c’était une bonne transition entre roller et art .»« Je mettais de la peinture au sol, roulais dedans avec mes rollers ». Puis il décalait régulièrement la toile, créant des lignes abstraites sans contrôler le dessin ou la peinture. Il s’agissait d’imiter les mouvements du roller sous forme de peinture. « La question était de savoir comment je pourrais mettre la même sensation dans ma peinture. »

Au lieu d’un « white cube », Maxwell Alexandre choisit de présenter son premier solo show dans son ancien atelier d’un complexe sportif de Rocinha. « Mon premier atelier était dans le complexe […]. Cela a commencé il y a deux ans, c’était ma première expérience en studio. C’était ma période la plus intense en tant qu’artiste. »

Pardo is Paper. Crédit photo Visible Project.org

Le choix de l’espace est inhabituel. Parmi les rings, les skaters et l’odeur persistante d’eaux usées, Maxwell Alexandre y expose onze grandes peintures, toutes de 4,75 sur 3,60 mètres. Ce n’est pas seulement leur format qui marque, mais aussi leur contenu : des scènes de la vie quotidienne à Rocinha.

 « Cette série est importante parce qu’il s’agit d’une question vraiment contemporaine, celle de l’émancipation des noirs. » 

Maxwell Alexandre, Megazord, de la série Pardo é Papel, 2018 (Détail)
Latex, cirage à chaussures, défrisant, bitume, teinture, acrylique, vinyle, graphite, stylo à bille, charbon et pastel à l’huile sur papier kraft
Dimensions variables
Courtesy Fortes D’Aloia & Gabriel et A Gentil Carioca

Frapper le racisme en pleine face

Maxwell Alexandre déploie une poétique urbaine basée sur la construction de récits et de scènes issus de ses expériences quotidiennes en ville et à Rocinha. Ces peintures de grand format dans lesquelles les corps afro-brésiliens sont présentés de manière autonome, mais aussi lors de confrontations avec la police, illustrant une routine communautaire contemporaine.

« Je pense que parfois, il faut frapper le racisme en pleine face, mais je n’ai pas le courage de frapper physiquement quelqu’un, alors je le fais en peinture. »

« Je préfère peindre, car peindre n’est pas immédiat. » Maxwell Alexandre

Maxwell Alexandre met en avant les minorités, les difficultés et les violences de la vie dans la favela, ainsi que la question des afro-brésiliens.

« Un acte politique et conceptuel que j’articulais en le faisant : peindre des corps noirs sur du papier brun. Puisque la couleur marron a longtemps été utilisée pour obscurcir la négritude. » Maxwell Alexandre

Il fait partie d’un petit collectif qui a créé sa propre église, mais une église d’un genre inhabituel. Maxwell Alexandre le dit très simplement : « C’est une église d’art. C’est juste cela. » Également appelée l’église du royaume de l’art, ou parfois A Noiva(l’épouse), c’est une sorte d’offrande symbolique à la divinité de l’art.

Maxwell Alexandre, Megazord, de la série Pardo é Papel, 2018 (Détail)
Latex, cirage à chaussures, défrisant, bitume, teinture, acrylique, vinyle, graphite, stylo à bille, charbon et pastel à l’huile sur papier kraft
Dimensions variables
Courtesy Fortes D’Aloia & Gabriel et A Gentil Carioca

 

L’art pour soutenir la communauté

Tous les deux mois, les artistes et designers de A Noiva organisent une exposition publique pour présenter leur travail. Ils nomment la série d’expositions Dízimo(dixième) , car 10% des dons sont réinvestis dans l’église. Chaque exposition se déroule dans un espace choisi par l’artiste et présente des œuvres de son choix. L’exposition Pardo é Papel est le deuxième Dízimo de Maxwell Alexandre, qui ne dure qu’une journée. « Je pense que a noiva est importante parce qu’elle permet d’imaginer des choses qui seraient impossibles dans le système institutionnel. Par exemple, dans a noiva, nous créons un espace dans lequel vous pouvez présenter des œuvres inachevées », explique Maxwell Alexandre.

Maxwell Alexandre, « Sem título », from the series « Caravelas de Hoje », 2018, courtesy of Fortes d’Aloia & Gabriel, Sao Paulo

Raoni Azevedo, co-fondateur de A Noiva, fait écho à Maxwell Alexandre : « Comme la plupart des rassemblements artistiques sont organisés par des institutions artistiques bien établies, A Noiva essaie de créer une scène alternative, plus accessible, où chacun peut présenter son travail et où tous sont les bienvenus. »

Première exposition monographique hors du Brésil de l’artiste Maxwell Alexandre.
Biographie de l’artiste

Né à Rio de Janeiro (Brésil) en 1990, où il vit et travaille, Maxwell Alexandre est diplômé en design graphique de la PUC-RJ (Université catholique pontificale de Rio de Janeiro) en 2016. En août 2017, Alexandre fait partie de l’exposition collective Carpintaria para todos à la galerie Fortes D’Aloia & Gabriel. Il organise à Escola Surfe – Complexe Esportivo de Rocinha l’exposition Laje só. Ses œuvres intègrent la collection de la Pinacothèque de São Paulo et celle du MASP.

En 2018, le jeune artiste est remarqué au Brésil et sur la scène internationale :

  • En septembre à la Berlin Art Fair dans l’exposition collective Recortes da Arte Brasileira. – À la galerie A Gentil Carioca (Rio de Janeiro) pour sa première exposition personnelle en galerie O Batismo de Maxwell Alexandre (Le baptême de Maxwell Alexandre), 21 juillet – 12 septembre 2018) et dans l’exposition collective Abre Alas 14.
  • Et au MASP (musée d’art de São Paulo) pour l’exposition collective Histórias Afro- Atlânticas (29 juin – 21 octobre 2018) consacrée comme l’une des meilleures expositions internationales en 2018 par le New York Times.
  • En décembre 2018, une de ses œuvres est présentée sur le stand de la galerie A Gentil Carioca à Art Basel Miami.

 

Première exposition monographique hors du Brésil de Maxwell Alexandre, Pardo É Papel
Du 8 mars au 7 Juillet 2019
Au MAC(Musée d’Art Contemporain) de Lyon
Cité Internationale, 81 Quai Charles de Gaulle, 69006 Lyon
Du mercredi au dimanche de 11h à 18h.
Toute l’année : fermé les lundi, mardi, 1er mai

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