1-54 : une décennie de promotion de l’art contemporain africain célébrée à Londres

Pour commémorer ses 10 ans, la tant attendue foire d’art contemporain africain 1-54 retrouve les prestigieux espaces de la Somerset House du 13 au 16 octobre 2022. En plus d’exposer une sélection toujours plus attrayante d’artistes originaires d’Afrique et de sa diaspora, ce moment londonien prévoit un agenda parallèle chargé en évènements pour couronner ces quatre jours de célébration. 

Voilà déjà dix ans que la 1-54 s’érige comme la principale foire d’art spécialement vouée à la promotion de l’effervescence artistique et intellectuelle qui émerge du continent africain et de sa diaspora. Après une édition fort réussie à New York en mai dernier, c’est au cœur de la Somerset House de Londres, lieu emblématique qui l’a vu naître et grandir, que la foire célébra son dixième anniversaire du 13 au 16 octobre prochain. Pour souligner ces dix ans d’impulsion de l’art contemporain africain, un pari d’abord ambitieux, mais vite remporté pour la fondatrice Touria El Glaoui, cette dernière s’est assurée d’orchestrer une édition d’exception pour cette foire qui ne cesse de faire vibrer le marché de l’art depuis sa création en 2013. 

« Nous sommes ravis de célébrer le 10e anniversaire de 1-54 Londres avec notre édition phare à Somerset House, où nous avons exposé depuis notre création en 2013. Cette étape importante verra une plus grande foire occuper plus d’espace à Somerset House, avec une installation spéciale dans la cour et une performance de la talentueuse artiste Grada Kilomba, que j’ai hâte de faire découvrir au public britannique. Nous sommes impatients d’accueillir de nouvelles galeries et de nouveaux artistes, ainsi que nos fidèles habitués qui nous accompagnent depuis 10 ans et sans qui nous ne serions pas là. » — Touria El Glaoui, fondatrice de la foire d’art contemporain africain 1-54

Des chiffres significatifs donnent corps à l’envergure de cette dixième édition : 50 galeries spécialisées provenant de 21 pays, le plus grand nombre de pays représentés jusqu’à présent, exposeront plus de 130 artistes africains et de la diaspora aux démarches aussi variées que leurs médiums. Des 50 galeristes présents, 17 ont pignon sur rue en Afrique et 14 s’invitent à la foire pour la première fois. 

Dawit Adnew, Transient Beauty, 2022
Acrylic on canvas, 165x210cm. Courtesy of Addis Fine Art.

Tour d’horizon et l’émergence à ne pas manquer 

Autant pour les connaisseurs que pour les néophytes en matière d’art contemporain africain, la foire 1-54 demeure un moment incontournable pour garnir sa liste d’œuvres coup de cœur et d’artistes à découvrir. Les passionnés de portraits seront par exemple comblés devant les visages stoïques et puissants du peintre nigérian Collins Obijiaku ou encore devant les portraits des « Black kids from the hood » de l’afro-américain Auudi Dorsey, tous deux représentés par la Luce Gallery. Pour les amateurs d’art naïf et d’expressionnisme, rendez-vous obligé à la galerie Unit London pour contempler le travail de l’artiste zimbabwéen Option Nyahunzvi dont les œuvres servent de médium pour sonder la spiritualité shoa. Sinon à la galerie THIS IS NOT A WHITE CUBE où l’œil sera ravi des peintures rythmées de l’Angolais Cristiano Mangovo qui partage avec l’univers du jeune artiste malien Famakan Magassa de la galerie Albertz Benda une esthétique libre et une palette éclatante. Les férus de sculpture sont suggérés de s’arrêter au kiosque de la Montoro12 Gallery où les sculptures surréalistes de l’artiste sud-africaine Cow Mash seront fort appréciées pour leur côté intriguant ou encore celles de la namibienne Stephané E. Conradie qui joue avec des effets d’enchevêtrements d’objets domestiques pour explorer l’histoire coloniale et la créolisation. 

Aux côtés d’artistes de renom tels qu’Ibrahim El-Salahi, figure clé du modernisme africain, ou encore les photographes Hassan Hajjaj et Zanele Muholi, de jeunes artistes émergents sont également à surveiller. Travaillant et vivant à Londres, Sola Olulode, née en 1996, propose des visuels de l’intimité féminine noire et queer dans des scènes de connexion tendres et profondes qui sont à découvrir à la galerie Berntson Bhattacharjee. Soulignons également le travail du jeune brésilien Pedro Neves exposé par la Portas Vilaseca Galeria. Épousant de grands formats, ses œuvres sont le fruit de sa recherche continue sur les complexités historiques, notamment en regard avec la colonisation, et identitaires qui forment le tissu culturel de son pays d’origine. Pour l’artiste de 25 ans qui présentait sa toute première exposition personnelle Tripa au début de cette année, cette participation à la 1-54 marque un moment important de sa carrière. 

Pedro Neves painting
Pedro Neves, Solidāo, 2022
Acrylic on canvas, 250 x 300 cm.
Credit: Rafael Salim, Courtesy of Portas Vilaseca Galeria.

Un programme parallèle chargé 

Parallèlement au salon d’exposition, les visiteurs de cette dixième édition auront définitivement de quoi enrichir leur passage avec le remarquable agenda d’activités organisées pour l’occasion. 

Pour les visiteurs du jeudi et du vendredi, un arrêt obligé s’impose dans la cour intérieure de la Somerset House, là où se déploie l’immense installation de Grada Kilomba intitulée O Barco/The Boat. Avec ses 32 mètres de long, l’installation composée de 140 blocs de bois carbonisés et gravés de poèmes plurilingues dessine la forme de la cale inférieure d’un ancien négrier. L’œuvre adresse les mémoires de la traversée atlantique dans une poésie singulière, qui commémore et pose les bases d’une réflexion commune sur les formes mémorielles futures de ces millions de récits de vie marqués par la traite transatlantique. Si O Barco/The Boat est visible à la Somerset House depuis le 29 septembre 2022, c’est dans le cadre de la 1-54 que l’œuvre prendra sa forme totale, avec deux performances dansantes, chantantes et musicales programmées respectivement les 13 et 14 octobre. Nul besoin d’applaudir l’engagement de la foire de faire de cette œuvre poignante un événement majeur de son programme, un choix notable considérant que l’installation prenne vie au cœur d’une ville historiquement chargée et indissociable de son passé esclavagiste. Ces performances seront présentées pour la première fois aux regards britanniques.

Grada Kilomba, O Barco The Boat, 2021, Performance
Grada Kilomba, O Barco The Boat, 2021
Performance and Installation view at MAAT, Lisbon for BoCA, 2021.
Photo by Bruno Simão. Courtesy of the Artist

La foire sera également enrichie de son habituel Forum 1-54, une fructueuse plateforme de dialogues entre publics, artistes, historiens de l’art et commissaires africains et afrodescendants. Commissariées et dirigées par Omar Kholeif, les discussions s’annoncent comme des moments forts d’échanges intellectuels, abordant des réflexions chères aux Africains et à la diaspora. Ce vivier de discussions portera notamment sur la culture visuelle noire, les mouvements artistiques britanniques antiracistes des années 80, les tensions entre tradition et contemporanéité en art, le racisme quotidien et la notion d’ « africanité » d’un point de vue identitaire.  

Enfin, la 1-54 saura plaire autant aux regards qu’aux papilles gustatives. L’artiste d’origine marocaine Hassan Hajjaj fera découvrir « Love Letter », un thé spécialement conçu pour la foire qui rassemble une riche sélection d’épices et d’herbes en provenance de toute l’Afrique, de la vanille à la coque de cacao du Ghana jusqu’à la fleur d’oranger de Tunisie. Plus qu’un simple thé, ces notes douces et épicées font de cet assemblage aromatique un véritable va-et-vient gustatif à travers la richesse du continent africain. Aussi, ceux de passage au salon VIP seront accueillis par une installation multisensorielle, le Chop Bar, une œuvre conceptuelle du chef et restaurateur Akwasi Brenya-Mensa qui reprend la forme des traditionnels chop bars ghanéens, ces échoppes de bord de route où de copieuses portions de banku, de fufu et d’omo tuo sont servies. Chaises et tables en plastique, vieux bidons d’essence en guise de tabourets et serviettes en papier : le jeune chef d’origine ghanéen cherche à faire plonger ces convives dans une interprétation personnelle de la restauration africaine de demain et rendre hommage aux femmes derrière ce riche patrimoine culinaire. 

Après dix ans de dévouement, de partage et de mise en valeur des artistes africains et afrodescendants sous les projecteurs du monde de l’art international, la foire 1-54 n’a cessé de s’imposer comme un des principaux porte-voix de l’art contemporain d’Afrique et de sa diaspora. Elle s’inscrit parmi les manifestations extra et intra-africaines – soulignons ses quatre dernières éditions à Marrakech et celle prévue pour février 2023 – les plus influentes et ambitieuses en son genre, raison de plus d’en faire sa destination de choix ce week-end. 

Artskop3437 partenaire officiel de 1-54 Contemporary African Art Fair


1-54 Londres 2022
Du 13 au 16 octobre
Somerset House, 
Strand, London WC2R 1LA,
United Kingdom

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À propos de l’auteur

Anaïs Auger-Mathurin

Anaïs Auger-Mathurin est une rédactrice, commissaire indépendante et masterante à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS). Diplômée en histoire de l’art de l’Université de Montréal, ses recherches actuelles portent sur les circuits marchands de l'art traditionnel en Afrique de l’Ouest avec un accent sur les stratégies commerciales et les enjeux contemporains des marchands et des antiquaires ouest-africains. Amoureuse des arts, de l’histoire et des mots, elle se passionne pour la production culturelle et intellectuelle africaine et afro-descendante et articule ses écrits autour de la décolonisation des regards et des institutions occidentales.

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