Homo Imparfaits

Première exposition personnelle de Nú Barreto à la galerie Nathalie Obadia à Bruxelles

Le 5 septembre, la galerie Nathalie Obadia inaugurera Homo Imparfaits, la première exposition personnelle de Nú Barreto à Bruxelles.

Nú Barreto's artwork Etats Désunis d'Afrique as part of his latest solo show at nathalie Obadia gallery in brussels
Nú Barreto – Etats Désunis d’Afrique!/Criblés 2017 Technique mixte sur toile montée sur bois 170 x 220 cm (66 15/16 x 86 5/8 in) © Nù Barreto & Galerie Nathalie obadia

Né en 1966 à São Domingos en Guinée-Bissau, Nú Barreto vit et travaille à Paris depuis 1989. Choisi pour représenter son pays à l’Exposition Universelle de Lisbonne en 1998, il mène depuis une carrière internationale qui le distingue parmi les artistes majeurs de l’art contemporain africain. En 2006, Nú Barreto exposait pour la première fois en Belgique en participant à Afrique-Europe : rêves croisés, exposition collective organisée par la Commission européenne.

Pour sa nouvelle exposition, l’artiste bissau-guinéen présente un ensemble de dessins inédits et plusieurs peintures issues de sa fameuse série États Désunis d’Afrique amorcée en 2009. Toutes les œuvres exposées sont fidèles à l’engagement politique de Nú Barreto. Elles décrivent les maux de la société contemporaine africaine tout en ravivant l’espoir d’une Afrique qui se libèrerait de son passé pour mieux se réinventer.

Solitude (2) 2019 Ceramic pencil and collage on paper 85 x 114,5 x 5 cm (33 15/32 x 45 3/32 x 1 31/32 in.) © Nù Barreto & Nathalie Obadia gallery
Solitude (2) 2019 crayon céramique et collage sur papier 85 x 114,5 x 5 cm (33 15/32 x 45 3/32 x 1 31/32 in.) © Nù Barreto & Galerie Nathalie Obadia
Nú Barreto's artwork Que reste-il as part of his latest solo show at nathalie Obadia gallery in brussels
Que reste-t-il ? 2019 crayon céramique et collage sur papier 85 x 122,3 x 6 cm (33 15/32 x 48 5/32 x 2 3/8 in.) © Nù Barreto & Galerie Nathalie Obadia

Depuis l’enfance, le dessin est le médium de prédilection de Nú Barreto. Des villages voisins, les autres enfants venaient voir ses dessins qui faisaient la fierté de ses parents. De cette époque, ses œuvres sur papier ont gardé leur verve imaginative qu’il met aujourd’hui au service de son récit personnel de l’Afrique contemporaine. Ce dernier n’est pas tendre, il est même la plupart du temps âpre et piquant. Sous la mine acerbe de ses crayons et le rouge sang de ses pinceaux, Nú Barreto illustre les violences multiples qu’a subi le continent africain.

Nú Barreto dénonce les souffrances des peuples africains au travers ses dessins

Au cœur de cette réalité quotidienne, l’homo imparfait de Nú Barreto incarne le premier rôle. Comme un miroir, cet alter ego d’encre noire et rouge nous renvoie notre propre inconstance et nous confronte face à notre responsabilité à l’égard de la situation actuelle en Afrique.

L’homo imparfait est à l’image de son patronyme. Son corps est déformé par la douleur et la peur. Sa bouche hurlante témoigne, selon l’artiste, aussi bien des souffrances quotidiennes du peuple africain que de celles de sa mémoire collective.

En ce sens, l’artiste Francis Bacon, qui a si bien décrit la douleur dans ses tableaux, est une source d’inspiration revendiquée par Nú Barreto citant aussi Lucian Freud, Willem de Kooning, ou encore la peintre portugaise Paula Rego parmi son panthéon d’artistes de référence. De cette dernière, il retient le subtil mélange de réalisme et de symbolisme qu’elle utilise pour exprimer sa satire de la société.

Nú Barreto new artwork la chaise et la bouteille at nathalie obadia gallery in brussels
La Chaise et la Bouteille 2019 Acrylique, crayon céramique et collage sur papier 84,7 x 113,5 x 5 cm (33 11/32 x 44 11/16 x 1 31/32 in) © Nù Barreto & Galerie Nathalie Obadia

D’autres objets fétiches se retrouvent de feuille en feuille, comme la chaise ou l’échelle. La première, avec son pied brisé, symbolise l’instabilité chronique des états africains. La seconde, avec ses barreaux cassés, est la métaphore de l’ascenseur social en panne dont le dysfonctionnement concourt à la montée des inégalités. On trouve aussi dans le répertoire des symboles de Nú Barreto des animaux(corbeaux, porcs, caméléons, etc.) et des objets hors d’usage tels que des vélos ou des guitares. Plus curieux encore, il pleut des bananes, des clous, et même des parapluies ouverts ou fermés. Cette panoplie de symboles puise ses origines dans le creuset des cultures autochtones d’Afrique de l’Ouest dont les productions artistiques avaient, elles aussi, recours au pouvoir des signes.

Une satire séduisante qui porte en elle l’espoir d’un changement

Pour compléter sa sémantique personnelle, l’artiste joint l’usage expressionniste de la couleur rouge qu’il a choisie pour sa force symbolique. Les papiers, lacérés ou déchirés, participent également à la représentation du paysage tourmenté que l’homo imparfait façonne à son image. L’ensemble des ressources iconographiques et plastiques que Nú Barreto emploie dans ses œuvres sur papier dégage une puissance évocatrice et émotionnelle forte, similaire à celle des dessins de l’artiste sud-africain William Kentridge.

Nú Barreto's artwork No vida as part of his latest solo show at nathalie Obadia gallery in brussels
Nô Vida 2019 Crayon céramique et collage sur papier 85 x 114,3 x 5 cm (33 15/32 x 45 x 1 31/32 in.) © Nù Barreto & Galerie Nathalie Obadia

Les grandes peintures de Nú Barreto sont issues de la série États Désunis d’Afrique. En changeant les couleurs de la bannière étoilée américaine par le rouge, le jaune et le vert, soit les trois couleurs que l’on retrouve le plus dans les drapeaux des cinquante-quatre états africains, l’artiste pointe la désunion de son peuple qu’il tient pour responsable des maux de la société africaine. Selon lui, c’est cette incapacité à regarder ensemble dans la même direction qui cultive la dépendance des nations africaines à l’égard des puissances extérieures à leur continent. Les étoiles noires dispersées de manière anarchiques sur les bandes déchirées des drapeaux panafricains de Nú Barreto sont à l’image de la situation qu’il dénonce.

Nú Barreto's artwork Un soutien as part of his latest solo show at nathalie Obadia gallery in brussels
Un Soutien 2019 Acrylique, crayon céramique et collage sur papier 90,5 x 120 x 5 cm (35 5/8 x 47 1/4 x 1 31/32 in.) © Nù Barreto & Galerie Nathalie Obadia

Derrière la portée contestatrice de son œuvre, l’artiste conserve une confiance indéfectible en l’humain et surtout en son homo imparfait dont il tourne en dérision les travers afin qu’il puisse les corriger de lui-même. Ce pouvoir vertueux de l’art inspire à l’artiste des œuvres pleines d’espoir comme La Source où, après chacune des étoiles de son drapeau, est accroché le livre d’un auteur africain. À eux seuls, ces ouvrages symbolisent l’ensemble des ressources intellectuelles et culturelles des nations africaines. Une manière métaphorique pour Nú Barreto de signifier à ses contemporains que l’Afrique doit, et peut, prendre son destin en main.

Nú Barreto's artwork Rouge silence as part of his latest solo show at nathalie Obadia gallery in brussels
Rouge Silence 2019 crayon céramique et collage sur papier 85 x 114,5 x 5 cm (33 15/32 x 45 3/32 x 1 31/32 in.) © Nù Barreto & Nathalie Obadia gallery

L’absence d’arrière-plan ou de référence spatiale dans les compositions de Nú Barreto traduit une forte sensation de vertige. Comme un funambule, l’homo s’équilibre imparfaitement sur le fil qui coupe bon nombre de ses dessins. Dans la symbolique de l’artiste, ce fil représente la « ligne de vie », et sa récurrence montre la précarité de l’existence autant que sa permanence.

La Source 2018 Acrylique sur toile montée sur bois et livres d’auteurs africains 200 x 306 cm (78 3/4 x 120 15/32 in) © Nù Barreto & Galerie Nathalie Obadia

1. Afrique-Europe : rêves croisés, exposition d’art africain contemporain organisée par la Commission européenne dans le cadre des Journées européennes du développement, Les Atelier des Tanneurs, 13 novembre -10 décembre 2006, Bruxelles, Belgique.

Nú Barreto
Homo Imparfaits
5 Septembre – 26 Octobre 2019
Nathalie Obadia gallery
8 rue Charles Decoster
1050 – Bruxelles – Belgique

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