Black Forest, une exposition initiatique à la Fondation Clément

Black Forest, c’est le grand embouteillage existentiel, une promenade mentale qui nous conduit sur les pas de cette «quête de l’inconnu» dont le but serait, d’apprendre à «devenir un véritable humain»

Une exposition célébrant nos incompréhensions

À la Fondation Clément, Black Forest, titre repris d’une exposition au MUDAM en 2011, réunit près d’une centaine d’œuvres, des pièces iconiques et de nouvelles productions, qui forment un cheminement à travers lequel Pascale Marthine Tayou, l’artiste touche aux points cardinaux de la société contemporaine ainsi qu’aux thèmes du village planétaire, du voyage, de l’identité culturelle, de la mondialisation, de la perméabilité des frontières, de l’écologie et de la ritualisation contemporaine. Cette exposition est semblable à une conversation interminable, une balade à travers les mystères de la forêt. Chacun peut entrer dans l’exposition à sa manière avec ses propres convictions, ses doutes, ses angoisses et essayer de tenir par la main la foule pour partager son propre cheminement.

Pascale Marthine Tayou, vue de l’exposition « Black Forest ». Avec l'aimable autorisation de la © Fondation Clément.
Pascale Marthine Tayou, vue de l’exposition « Black Forest ».  Avec l’aimable autorisation de la © Fondation Clément. 

Un cheminement personnel à L’artiste

L’exposition Black Forest nous projette dans l’intimité de la vie de l’artiste, transportant la Fondation Clément, vers des lieux comme le pays natal de l’artiste, le Cameroun à travers une série de photographies de scènes de cérémonies comme autant de souvenirs. Il nous emmène jusqu’à la maison de sa mère, ce cocon familial. Selon Tayou, « la maison est le portrait de la vie. C’est une autre facette de notre identité ». Dans ses œuvres, l’artiste fait toujours référence de manières implicites et récurrentes à ses origines, à la terre rouge et nourricière du Cameroun comme dans ses grands tableaux en terre intitulés Boboland (2013) ou Terres riches (2013).

Pourtant, chez Tayou, l’identité ne saurait être figée ou statique, elle est plurielle et en mouvement : «Je ne souscris pas à cette notion particulière d’une identité supérieure et universelle. Pourquoi un lieu serait-il plus intéressant qu’un autre? » explique-t-il. Conscient de vivre dans un monde polarisé, l’artiste croit en une citoyenneté mondiale où cesseraient les divisions identitaires, qu’elles soient sexuelles, ethniques ou religieuses. C’est un monde en perpétuelle mutation, car exposé aux choix humains qui tel un plateau de théâtre, se laisse traverser, habiter par de multiples identités. Un monde qui relate l’histoire des hommes et leurs passés, et qui irrigue leurs imaginaires en privilégiant l’expérience et l’aventure humaine…

Pascale Marthine Tayou, vue de l'installation épines coloniales, sculptures en bois, "Black Forest", 2017. Avec l'aimable autorisation de la Fondation Clément.
 Pascale Marthine Tayou, vue de l’installation épines coloniales, « Black Forest », 2017. Avec l’aimable autorisation de la © Fondation Clément.

Black Forest, s’envisage comme une traversée au sein de territoires inconnus et ouverts, «une promenade in live au cœur des pistes de nos doutes existentiels », «un moment d’interrogations sur l’imaginaire du grand monde et son contenu» comme il le dit lui-même. Telle une introspective basée sur la notion de forêt, terre de toutes les rencontres, l’exposition déploie tout le vocabulaire aux écritures multiples et délibérément mobiles de l’artiste, suspendu entre le récit onirique du quotidien et la nécessité d’hybrider des situations, des particularités humaines et des géographies.

Pascale Martine Tayou

Pascale Marthine Tayou (Nkongsamba, Cameroun, 1966) est connu internationalement depuis les années 1990 et plus encore depuis sa participation à la Dokumenta 11 (2002) et à la Biennale de Venise (2005 et 2009). La variabilité caractérise son travail. Il explore tous types de médiums – sculpture, installation, dessin, vidéo – et bien que les thèmes abordés soient multiples, ils prennent tous pour point de départ l’image de l’artiste. Au début de sa carrière, Pascale Marthine Tayou prend un double nom au féminin : Pascal (e) Marthin (e). Il se distancie ainsi ironiquement de l’idée d’artiste démiurge, de la catégorisation homme / femme et de toute limitation géographique ou culturelle.

Ses œuvres construisent des ponts entre les civilisations et révèlent les liens ambigus entre l’homme et la nature. Mais elles soulignent surtout que ces différentes relations sont le fruit de constructions sociales, culturelles et politiques. Son œuvre est délibérément mobile, insaisissable, hétérogène et loin des schémas préétablis. Elle est toujours étroitement liée à l’idée du voyage et du contact avec l’autre et elle est si spontanée qu’elle semble presque désinvolte. Les créations de Tayou ont toutes une caractéristique commune : elles mettent en scène l’image de l’homme qui se déplace à travers le monde et qui explore la question du village global. C’est dans ce contexte que Tayou aborde ses origines africaines et les questionnements qu’elles engendrent.

Pascale Marthine Tayou. © Pascale Marthine Tayou
Pascale Marthine Tayou. © Pascale Marthine Tayou

Depuis plus de trente ans, Pascale Marthine Tayou, a créé son propre vocabulaire à partir d’images et de formes venues du monde entier, mêlant des rejets ou des déchets de la société de consommation, des symboles nationaux, religieux ou économiques, des références artistiques hétéroclites. C’est ainsi qu’il embrasse les réalités connectées du monde contemporain, rassemblant des impressions, des matériaux et fragments d’instants recueillis dans la succession des lieux qu’il a habités, que ce soit pendant une heure ou pendant plusieurs années. Passant naturellement de la sculpture, au dessin, à la peinture, à l’installation et à la poésie, il propose un autre regard sur le quotidien sous une apparente désinvolture esthétique. Sa pratique prolifique et généreuse est ponctuée de grands chantiers, de grandes séries qui se déploient sur la durée et qui peuvent être réouvertes à tout moment. C’est aussi ainsi que se déploient ses expositions, comme un fil continu à travers la planète.

Black Forest
Exposition solo de Pascale Marthine Tayou
Du 22 Juin au 27 Septembre 2020
Fondation Clément
Martinique
Domaine de l’Acajou, Le François 97240

Share on:

À propos de l’auteur

Oceane Kinhouande

Après avoir obtenu une licence de droit à l'université Panthéon-Assas Paris II j'ai intégré l'ICART Paris afin d'y poursuivre un MBA en Marché International de l'art. Je suis passionnée par l’art contemporain d'Afrique et par les cultures africaines et afro-descendantes. Il me semble vital et important que l'art contemporain d'Afrique puisse informer sur la multiplicité et les nuances de ses réalités. De même il me tient particulièrement à coeur que cette expression artistique puisse être un vecteur de l'histoire, de l'identité et des innovations africaines et afro-descendantes.

You might also like