Croyances : faire et défaire l’invisible

L’Institut des Cultures d’Islam de la ville de Paris présente « Croyances : faire et défaire l’invisible« . Bien que temporairement inaccessible au public en raison de la pandémie mondiale actuelle, nous vous proposons à travers cet article de vous immerger dans l’univers de cette exposition dont le commissariat est assuré par Jeanne Mercier, co-fondatrice de la plateforme Afrique in Visu

Présentant les oeuvres de seize artistes photographes et vidéastes, l’exposition de groupe « Croyances : faire et défaire l’invisible«  interroge la puissance évocatrice des religions, superstitions et mythes du continent africain, revendiqué par les artistes comme lieu d’expérimentation, de glissements, de frictions et de négociations. Bien loin du panorama et des récits stéréotypés, les artistes de cette exposition se saisissent de façon poétique, critique ou décalée de la question du « croire », de ses conventions, pratiques et représentations. Leurs œuvres dialoguent entre réel et fiction, esquissant des croyances en mouvement, imaginant leurs connections et leurs évolutions au fil d’une « pensée archipélique ».

Leurs oeuvres vont plus loin encore… Elles détournent l’incarnation de l’autorité religieuse pour résister aux schémas dominants, inscrivent le culte vaudou dans la mémoire de l’esclavage, rapprochent la dévotion des pèlerins et la résilience individuelle, transforment les rites traditionnels à l’ère digitale, ou encore captent les vibrations de la transe et les mystères de l’envoûtement…

ENTRONS DANS LA TRANSE

Expérience ésotérique, la transe inspire les imaginaires et recouvre différentes pratiques ayant en commun la manifestation physique d’un phénomène invisible. En posant leur regard sur ces cérémonials, les artistes cherchent à matérialiser un lien entre deux mondes : celui des vivants et l’au-delà. Bruno Hadjih rend ainsi palpable le mysticisme extatique des soufis d’Algérie par sa maîtrise du flou photographique dans une série à l’atmosphère onirique.

Bruno Hadjih, Wird, 1996-2019
Bruno Hadjih, Wird, 1996-2019
Photographie © Bruno Hadjih, Courtesy galerie Mamia Bretesche

Le montage vidéo immersif et saccadé de Léonard Pongo révèle quant à lui le caractère spectaculaire des transes de possession dans les églises du réveil en République Démocratique du Congo.

Léonard Pongo, The necessary Evil, 2013
Léonard Pongo, The necessary Evil, 2013
Vidéo © Léonard Pongo

DJINNS, ESPRITS ET AUTRES ÊTRES INTERMÉDIAIRES

Les pratiques magiques – aussi appelées « sorcellaires » – et les superstitions sont ici revisitées par les artistes qui en soulignent à la fois la dimension plastique et la fonction sociale.

Btihal Remli, The Djinni Diaries – Recipes, 2017-2019
Btihal Remli, The Djinni Diaries – Recipes, 2017-2019
Photographies © Btihal Remli

Par un archivage photographique évoquant un grimoire d’une part, et la mise en abîme d’un rituel de fécondité d’autre part, Btihal Remli et Mohammed Laouli interrogent le rôle des femmes dans la transmission des croyances populaires au sein de la société marocaine.

4. Mohammed Laouli, Barouk (détails), 2017 © Mohammed Laouli, Courtesy le cube indépendant art room Installation
   Mohammed Laouli,Barouk (détails),2017
©L’artiste et le cube indépendant art room

Bénédicte Kurzen et Sanne de Wilde jouent sur les couleurs et des effets de miroir pour proposer une réflexion sur la dualité à partir de la mythologie des jumeaux au Nigéria, où ils sont considérés comme des êtres extraordinaires connectés au monde spirituel.

Sanne de Wilde et Bénédicte Kurzen, Land of Ibeji, 2018
Sanne de Wilde et Bénédicte Kurzen, Land of Ibeji, 2018
© Sanne de Wilde et Bénédicte Kurzen / NOOR
Photographies

Enfin, Nicola Lo Calzo met en scène une installation librement inspirée d’un culte vaudou au Togo et au Bénin autour de l’esprit des esclaves, qu’il présente comme un processus de remémoration et de réconciliation.

Nicola Lo Calzo, TCHAMBA, 2017 Poudre de feu (edou) utilisée lors de la cérémonie de la salah au couvent d'Adzakokou. Lomé, Togo 2017. "Ce n'est pas tout le monde qui avait l'argent pour acheter des esclaves, c'est une source de fierté pour nous d'être les fils de quelqu'un qui était marchand. Mais nous sommes également tenus d'accepter ces esprits et de leur accorder le respect qui leur est dû. À l'époque, les esclaves mangeaient les restes du repas du maître. Aujourd'hui, maintenant qu'ils sont devenus des esprits, ils sont les premiers à être nourris au moment des sacrifices et nous mangeons ensuite. C'est le contraire. Maintenant qu'ils sont revenus, nous devons les respecter, les honorer, pour qu'ils nous facilitent la vie". Hounan Atchino, président de la fédération nationale du culte vaudou et des traditions du Togo.
Nicola Lo Calzo,TCHAMBA, 2017 (Installation)
© Nicola Lo Calzo, Courtesy Dominique Fiat

CORPS SACRÉS

Une femme sur une structure évoquant un minbar (chaire dans les mosquées), un homme noir monumental dans la tenue immaculée du pape, et des moutons au regard troublant bousculent les schémas dominants dans les trois religions monothéistes.

Photographie Maïmouna Guerresi, MK (Minbar Kadija),série Aisha in Wonderland, 2016
Maïmouna Guerresi, MK (Minbar Kadija),série Aisha in Wonderland, 2016
© L’artiste et Mariane Ibrahime Gallery

Avec ces trois figures hautement symboliques, les artistes réinterprètent l’art du portrait pour questionner notre rapport au sacré, nos représentations et nos stéréotypes.

VOYAGE INITIATIQUE

En photographiant les corps immobiles ou en mouvement, les artistes déclinent le rite d’initiation de façon allégorique. Eric Guglielmi montre comment la foi met l’humain à l’épreuve par ses plans panoramiques des pèlerins mourides compressés dans d’interminables files d’attente.

Éric Guglielmi, Touba,2005 Exposition : Croyances faire et défaire l'invisible
 Éric Guglielmi, Touba,2005
© Éric Guglielmi ADAGP, Paris, 2020

Chez Giya Makondo Wills, les sujets se mettent en scène avec solennité pour dessiner un fresque collective codifiant le cérémonial du baptême en le reliant aux croyances africaines traditionnelles.

Giya Makondo-Wills, They Came From The Water While The World Watched, 2016-2018 Exposition : Croyances faire et défaire l'invisible
Giya Makondo-Wills, They Came From The Water While The World Watched, 2016-2018
© Giya Makondo-Wills

Enfin, Rahima Gambo tente de réparer les vivants en distillant au sein d’une fable contemporaine improvisée le grave et le léger, le clair et l’obscur, le jeu et le recueillement.

Photographie Rahima Gambo, TATSUNIYA, (2017)
© Rahima Gambo, TATSUNIYA, 2017

DIEU OU LE WIFI ?

Les artistes de la génération « millenials » anticipent l’évolution de nos croyances en mixant les pratiques ancestrales avec le digital pour créer de nouveaux rituels hybrides, à l’ère de homo numéricus. Exploitant les potentialités du medium vidéo, Tabita Rezaire repense la généalogie des sciences informatiques et s’attaque à l’impérialisme culturel.

Vidéo, Tabita Rezaire, PREMIUM CONNECT, 2017 Exposition : Croyances faire et défaire l'invisible
Tabita Rezaire, Vidéo : PREMIUM CONNECT, 2017
© Tabita Rezaire

Avec ses performances décalées, Seumboy associe Internet à une force spirituelle aléatoire qu’il convient d’invoquer.

Seumboy VRAINOM : €
©Seumboy VRAINOM : €

Enfin, sur la façade de l’Institut des Cultures d’Islam, Léon Josefa Ntjam relie le monde des esprits à celui des vivants, dans une explosion d’images, de symboles et de références traditionnelles et futuristes.

Installation: Josèfa Ntjam, 2020 Exposition : Croyances faire et défaire l'invisible
Installation:  Josèfa Ntjam, 2020
© Josèfa Ntjam 

Nous vous invitons à poursuivre votre visite de l’exposition en immersion 3D en cliquant : Ici

« Croyances : faire et défaire l’invisible » est une exposition à découvrir jusqu’au 2 août 2020 à l’Institut des Cultures d’Islam de la ville de Paris

Avec les œuvres de :

Nabil Boutros, Samuel Fosso, Rahima Gambo, Maïmouna Guerresi, Éric Guglielmi, Bruno Hadjih, Bénédicte Kurzen & Sanne de Wilde, Mohammed Laouli, Nicola Lo Calzo, Giya Makondo Wills, Josèfa Ntjam, Léonard Pongo, Btihal Remli, Tabita Rezaire, Seumboy VRAINOM : €

Commissariat : Jeanne Mercier, co-fondatrice de la plateforme Afrique in Visu. Direction artistique : Bérénice Saliou Direction générale : Stéphanie Chazalon Comité scientifique : Anne Bocandé, Ayda Bouanga et Marie-Cécile Zinsou

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