Croyances : faire et défaire l’invisible
L’Institut des Cultures d’Islam de la ville de Paris présente « Croyances : faire et défaire l’invisible« . Bien que temporairement inaccessible au public en raison de la pandémie mondiale actuelle, nous vous proposons à travers cet article de vous immerger dans l’univers de cette exposition dont le commissariat est assuré par Jeanne Mercier, co-fondatrice de la plateforme Afrique in Visu.
Présentant les oeuvres de seize artistes photographes et vidéastes, l’exposition de groupe « Croyances : faire et défaire l’invisible« interroge la puissance évocatrice des religions, superstitions et mythes du continent africain, revendiqué par les artistes comme lieu d’expérimentation, de glissements, de frictions et de négociations. Bien loin du panorama et des récits stéréotypés, les artistes de cette exposition se saisissent de façon poétique, critique ou décalée de la question du « croire », de ses conventions, pratiques et représentations. Leurs œuvres dialoguent entre réel et fiction, esquissant des croyances en mouvement, imaginant leurs connections et leurs évolutions au fil d’une « pensée archipélique ».
Leurs oeuvres vont plus loin encore… Elles détournent l’incarnation de l’autorité religieuse pour résister aux schémas dominants, inscrivent le culte vaudou dans la mémoire de l’esclavage, rapprochent la dévotion des pèlerins et la résilience individuelle, transforment les rites traditionnels à l’ère digitale, ou encore captent les vibrations de la transe et les mystères de l’envoûtement…
ENTRONS DANS LA TRANSE
Expérience ésotérique, la transe inspire les imaginaires et recouvre différentes pratiques ayant en commun la manifestation physique d’un phénomène invisible. En posant leur regard sur ces cérémonials, les artistes cherchent à matérialiser un lien entre deux mondes : celui des vivants et l’au-delà. Bruno Hadjih rend ainsi palpable le mysticisme extatique des soufis d’Algérie par sa maîtrise du flou photographique dans une série à l’atmosphère onirique.
Le montage vidéo immersif et saccadé de Léonard Pongo révèle quant à lui le caractère spectaculaire des transes de possession dans les églises du réveil en République Démocratique du Congo.
DJINNS, ESPRITS ET AUTRES ÊTRES INTERMÉDIAIRES
Les pratiques magiques – aussi appelées « sorcellaires » – et les superstitions sont ici revisitées par les artistes qui en soulignent à la fois la dimension plastique et la fonction sociale.
Par un archivage photographique évoquant un grimoire d’une part, et la mise en abîme d’un rituel de fécondité d’autre part, Btihal Remli et Mohammed Laouli interrogent le rôle des femmes dans la transmission des croyances populaires au sein de la société marocaine.
Bénédicte Kurzen et Sanne de Wilde jouent sur les couleurs et des effets de miroir pour proposer une réflexion sur la dualité à partir de la mythologie des jumeaux au Nigéria, où ils sont considérés comme des êtres extraordinaires connectés au monde spirituel.
Enfin, Nicola Lo Calzo met en scène une installation librement inspirée d’un culte vaudou au Togo et au Bénin autour de l’esprit des esclaves, qu’il présente comme un processus de remémoration et de réconciliation.
CORPS SACRÉS
Une femme sur une structure évoquant un minbar (chaire dans les mosquées), un homme noir monumental dans la tenue immaculée du pape, et des moutons au regard troublant bousculent les schémas dominants dans les trois religions monothéistes.
Avec ces trois figures hautement symboliques, les artistes réinterprètent l’art du portrait pour questionner notre rapport au sacré, nos représentations et nos stéréotypes.
VOYAGE INITIATIQUE
En photographiant les corps immobiles ou en mouvement, les artistes déclinent le rite d’initiation de façon allégorique. Eric Guglielmi montre comment la foi met l’humain à l’épreuve par ses plans panoramiques des pèlerins mourides compressés dans d’interminables files d’attente.
Chez Giya Makondo Wills, les sujets se mettent en scène avec solennité pour dessiner un fresque collective codifiant le cérémonial du baptême en le reliant aux croyances africaines traditionnelles.
Enfin, Rahima Gambo tente de réparer les vivants en distillant au sein d’une fable contemporaine improvisée le grave et le léger, le clair et l’obscur, le jeu et le recueillement.
DIEU OU LE WIFI ?
Les artistes de la génération « millenials » anticipent l’évolution de nos croyances en mixant les pratiques ancestrales avec le digital pour créer de nouveaux rituels hybrides, à l’ère de homo numéricus. Exploitant les potentialités du medium vidéo, Tabita Rezaire repense la généalogie des sciences informatiques et s’attaque à l’impérialisme culturel.
Avec ses performances décalées, Seumboy associe Internet à une force spirituelle aléatoire qu’il convient d’invoquer.
Enfin, sur la façade de l’Institut des Cultures d’Islam, Léon Josefa Ntjam relie le monde des esprits à celui des vivants, dans une explosion d’images, de symboles et de références traditionnelles et futuristes.
Nous vous invitons à poursuivre votre visite de l’exposition en immersion 3D en cliquant : Ici
« Croyances : faire et défaire l’invisible » est une exposition à découvrir jusqu’au 2 août 2020 à l’Institut des Cultures d’Islam de la ville de Paris
Avec les œuvres de :
Nabil Boutros, Samuel Fosso, Rahima Gambo, Maïmouna Guerresi, Éric Guglielmi, Bruno Hadjih, Bénédicte Kurzen & Sanne de Wilde, Mohammed Laouli, Nicola Lo Calzo, Giya Makondo Wills, Josèfa Ntjam, Léonard Pongo, Btihal Remli, Tabita Rezaire, Seumboy VRAINOM : €