« Le Bal de Bamako » à la Fondation Blachère
11/05/2020 - 26/09/2020Le Bal de Bamako est un hommage aux pères de la photographie de l’Afrique francophone et à la jeunesse des années 1960, les années twist
Un hymne aux pionniers de la photographie africaine
Ces photographes sont avant tout des portraitistes, mais entraînés dans un mouvement joyeux de libération, ils sont sortis de leur studio, ont parcouru la ville en reportage pour saisir l’ambiance de la vie nocturne. Dès les années 1950, Jean Depara a sillonné les rues de Kinshasa, de bar en dancing, au son de la rumba, danse afro-cubaine. Dès 1961, Malick Sidibé a suivi la jeunesse dans les surboums de Bamako pour saisir le twist, une danse venue des Etats-Unis via Paris. Et ce n’est pas un hasard si en 2017, deux expositions posthumes à Paris et à Arles se nommaient « Mali twist » et « Swinging Bamako ».
Une photographie capturant une jeunesse libérée
La vague du twist à Bamako peut être considérée comme une surprise dans une ville qui fête son Indépendance depuis un an et qui, par mimétisme avec l’Occident, s’adonne à une musique dont la structure musicale rompt avec les musiques africaines et avec le jazz. On retrouve ce mimétisme dans les attitudes et dans les costumes : les hommes adoptent rapidement l’habit européen, suivi un peu plus tard par les femmes. Le décor fait appel à des objets importés, du Solex à la Coccinelle. Dans son studio, Seydou Keita dispose des accessoires européens : des scooters, des montres, des stylos.
Dans un contexte d’indépendance politique qui ne peut être aboutie qu’avec les volets économique et culturel, on peut être surpris par cette mode pro-occidentale alors que les étudiants de Berkeley et du Quartier Latin portent leur regard vers Che Guevara, Mao ou Martin Luther King. Il faut dire qu’il y a un double contexte : celui de l’indépendance africaine qui libère la jeunesse du joug colonial occidental, et en même temps, dans ce monde occidental, un phénomène de libération de la jeunesse qui s’affirme comme une catégorie socio-culturelle à part entière, qui, nourrie de la pensée de Marcuse et de la pilule, exulte en Mai 68. Un mouvement d’une si grande ampleur qui se joue des frontières comme… le twist !
Ces photographes s’affirment comme des artistes par vocation, par la faveur du public et par nécessité. L’argentique, par économie, leur impose une seule prise de vue et souvent à la lumière du jour. Il faut donc travailler le cadrage, la lumière, la pose où que l’on soit, mais avec un décor arrangé. Par formation, par instinct ou par nécessité, le portait s’impose toujours. On soigne le visage tourné un peu de côté, la position des mains et surtout le regard qui doit dévoiler « l’image » . Seydou Keita, explique que : le photographe est « un mangeur d’homme car il lui ravi son « dyaa » ou son « double vital ». A travers ces visages et ces attitudes, peut-on saisir avec ces portraitistes, en ce temps, l’âme de cette jeunesse africaine doublement libérée en faisant la part de l’apparence et de la réalité.
Présentation de certains artistes exposés
Seront entre autres présentés Philippe KOUDJINA AYI et Mory BAMBA. Philippe KOUDJINA AYI est né vers 1940 au Togo, décédé en 2014 à Niamey (Niger). Pendant 40 ans, depuis les années 1960 de l’Indépendance, Philippe Koudjina sillonne la capitale du Niger de bars en night-clubs avec son appareil photographique 6×6 pour nous laisser aujourd’hui la mémoire de cette époque de liberté et de joie. Il fréquente aussi bien les boites de nuits des jeunes Nigériens qui se réunissent pour s’amuser et danser aux airs de rumba zaïroise et des tubes occidentaux à la mode que les cercles militaires et parachutistes français basés dans le pays.
Mory BAMBA est lui Né en 1949 à Sikasso au Mali, vit et travaille à Kadiolo. Après avoir été formé par son père, le premier à ouvrir un studio moderne à Sikasso après l’indépendance, Mory Bamba parcourt en mobylette les villages autour de chez lui en 1968 pour réaliser des portraits et relater la vie quotidienne des habitants des villages du Mali. Il évoque le brassage ethnique, la diversité culturelle et la cohésion de la société.