Imaginary Trip II Gosette Lubondo © musée du quai Branly - Jacques Chirac

Le Musée du quai Branly propose une exploration de notre rapport à l’image

Avec l’exposition « À toi appartient le regard et (…) le lien infini entre les choses » le musée du Quai Branly met pour la première fois en lumière la création contemporaine en rapprochant les pratiques de 26 artistes contemporains issus de 18 pays différents.

La genèse de cet énigmatique titre d’exposition

Le titre de cette exposition du Quai Branly provient d’un texte écrit en 1801 par l’écrivain allemand Ludwig Hülsen. Alors qu’il observe un paysage, il décrit sa vision et comment son œil a pu reconstruire une cohésion dans un paysage étranger qui était auparavant perçu par fragments. Selon Chrisitine Barthe, la commissaire le titre invite donc le visiteur à s’approprier/se réapproprier des images tout en questionnant notre capacité à interpréter les informations visuelles ainsi que notre rapport à la notion de temporalité.

L’exposition, divisée en cinq parties avec un préambule s’ouvre sur l’œuvre spectaculaire du Camerounais Samuel Fosso, SIXSIXSIX, composée de 666 autoportraits Polaroid, jamais montrés auparavant dans leur intégralité. Une manière de plonger instantanément le visiteur dans un univers inconnu dans lequel on se perd. Avec ces images assez brutes, sans retouche ou maquillage, le visiteur est directement confronté à la question : Qui regarde qui ?

Une autre œuvre de Samuel Fosso intitulée African Spirits se trouve également un peu plus loin dans la troisième partie de l’exposition, dans laquelle il incarne plusieurs figures clés des indépendances africaines et du mouvement afro-américain des droits civils. On y trouve entre autres Aimé Césaire, Malcolm X et Seydou Keita.

Vue de l'exposition "A toi appartient le regarde (...) et la liaison infinie entre les choses" : © musée du quai Branly - Jacques Chirac, photo Vincent Mercier
Vue de l’exposition « A toi appartient le regarde (…) et la liaison infinie entre les choses » © musée du quai Branly – Jacques Chirac, photo Vincent Mercier

Première partie de l’exposition: L’image est-elle un regard fixe ?

La première partie consiste en six séries de photographies qui abordent la pratique comme une collection de fragments visuels de la réalité. Elle rend compte du fait que les informations visuelles peuvent être interprétées de multiples façon différentes selon comment l’opération photographique de cadrage a été abordée. La photographie peut être une vitrine des agitations urbaines comme le montre le travail du Sud-Africain Guy Tillim à Harrara, Luanda ou Nairobi, ou une enquête méticuleuse, une manière de recueillir des indices comme le révèle la photographie Jo Ractliffe. Elle peut également être un moyen de restituer une atmosphère particulière avec des couleurs, des odeurs et des émotions frôlant la fiction, comme on peut le voir dans l’œuvre du mexicain José Luis Cuevas.

Vue de l'exposition "A toi appartient le regarde (...) et la liaison infinie entre les choses" © musée du quai Branly - Jacques Chirac, photo Vincent Mercier
Vue de l’exposition « A toi appartient le regarde (…) et la liaison infinie entre les choses » © musée du quai Branly – Jacques Chirac, photo Vincent Mercier

Seconde partie de l’exposition : Se reconnaître dans une image

Cette section est entre autres basée sur l’ouvrage fondateur de Santu Mofokeng, The black photo / Look at me, un diaporama qui reproduit des photographies historiques de la bourgeoisie noire sud-africaine du début du XXe siècle. L’artiste sud-africain aborde la question de l’image comme moyen d’identification, comme modèle, comme référence. Ces clichés montrent des portraits de la bourgeoisie noire sud-africaine au début du XXe siècle qui avaient disparu de nos mémoires. L’artiste s’interroge sur les conditions et la signification de ces visibilités à l’époque où elles ont été réalisées et aujourd’hui.

The black photo album, Look at me : 1880-1950 © Santu Mofokeng. Courtesy MAKER, Johannesburg, and The Walther Collection
The black photo album, Look at me : 1880-1950 © Santu Mofokeng. Courtesy MAKER, Johannesburg, and The Walther Collection quai branly

Troisième partie de l’exposition : Les images se pensent entre elles

Cette partie, qui constitue le grand espace central de l’exposition, fait place à des formes de narration visuelle. Elle traite des méthodes de travail, de la manière dont nous associons les images pour créer une histoire, et de la façon dont la photographie provoque la parole. Elle comprend des œuvres de Katia Kameli (France), plusieurs installations de grande envergure telles que Horizon de Brook Andrew (Australie) ou Crossing the farther shore de Dinh Q. Lê (Vietnam) . À propos de cette dernière, il s’agit d’une construction composée de plusieurs photos suspendues formant une sorte de refuge. Ayant perdu toutes ses photos de famille lors de son exode, l’artiste tente de préserver une trace de l’histoire sud-vietnamiennes après qu’une grande partie de la population ait dû fuir à cause de l’invasion des Khmers rouges en 1978. Il cherche ainsi à combler les vides historiques à partir de différentes photographies acquises lors de ses voyages au Vietnam.

Vue de l'exposition "A toi appartient le regarde (...) et la liaison infinie entre les choses"
Vue de l’exposition « A toi appartient le regarde (…) et la liaison infinie entre les choses ».

Quatrième partie de l’exposition : Histoires de paysages

Une quatrième section invite plusieurs artistes qui pratiquent des enquêtes approfondies. Les œuvres offrent des possibilités d’histoires alternatives liées à des événements spécifiques mais encore mal connus de notre histoire, où l’image agira comme un révélateur d’une situation ou d’un questionnement. On y retrouve des artistes tels que Sammy Baloji (République démocratique du Congo), Mario García Torrès (Mexique), Heba Y. Amin (Égypte), ou encore les recompositions imaginaires de Gosette Lubondo (République démocratique du Congo). Chacun explore à sa manière la question territoriale et la notion d’appropriation qui lui est associée.

Essay on urban planning © Sammy Baloji / © musée du quai Branly - Jacques Chirac / © Alessandra Bello
Essay on urban planning © Sammy Baloji / © musée du quai Branly – Jacques Chirac / © Alessandra Bello

Passages dans le temps, dernière partie de l’exposition

Cette partie évoque diverses temporalités décalées. Elle montre comment des représentations éloignées dans le temps peuvent soudainement prendre une nouvelle pertinence, être remises en question, réactivées ou inversées. On retrouve par exemple, des artistes comme Yoshua Okón, qui propose une relecture ironique de la performance de Joseph Beuys I like America and America likes me ou encore Alexander Apóstol qui, en visitant une maison des années 50 à Caracas, s’interroge sur le passage à la modernité au Venezuela. L’artiste colombien José Alejandro Restrepo illustre également ce phénomène en se rendant dans les montagnes d’Amérique latine afin de reproduire le voyage de l’explorateur Alexander von Humboldt.

Paso del Quindío I, par José Alejandro Restrepo. The Museum of Fine Arts, Houston, Museum purchase funded by the Caribbean Art Fund and the Caroline Wiess Law Accessions Endowme
Paso del Quindío I, par José Alejandro Restrepo. The Museum of Fine Arts, Houston, Museum purchase funded by the Caribbean Art Fund and the Caroline Wiess Law Accessions Endowme

« À toi appartient le regard et (…) la liaison infinie entre les choses »
Musée du quai Branly – Jacques Chirac
Du 30 juin – 1er novembre 2020
37 Quai Branly, 75007
Paris

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À propos de l’auteur

Oceane Kinhouande

Après avoir obtenu une licence de droit à l'université Panthéon-Assas Paris II j'ai intégré l'ICART Paris afin d'y poursuivre un MBA en Marché International de l'art. Je suis passionnée par l’art contemporain d'Afrique et par les cultures africaines et afro-descendantes. Il me semble vital et important que l'art contemporain d'Afrique puisse informer sur la multiplicité et les nuances de ses réalités. De même il me tient particulièrement à coeur que cette expression artistique puisse être un vecteur de l'histoire, de l'identité et des innovations africaines et afro-descendantes.

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