Figures 1861, Natural History of Mankind, 2016-2017 Photomontage, 122,5 x 132,7 cm FNAC 2018-0313 Centre national des arts plastiques © Malala Andrialavidrazana / Cnap

Expositions des stratégies contemporaines de résistance au Centre Pompidou

L’exposition « Global(e) Resistance » au Centre Pompidou dévoile pour la première fois les œuvres de plus d’une soixantaine d’artistes réunies au cours de la dernière décennie, dont une majorité issus des Suds

Une exposition abordant la question de l’activisme artistique

«Global(e) Resistance» pose des interrogations théoriques, qui vont de l’articulation de l’esthétique et du politique au rapport même du musée au politique, au sein des mondes de l’art. Résister à travers une pratique à la fois artistique et politique, voire activiste, a souvent été l’apanage d’artistes vivant dans des situations d’oppression ou d’inégalités. La fin de la colonisation a fait jaillir de nombreuses voix qui se sont élevées pour entamer de nouveaux chemins de résistance, que ce soit sur un plan purement politique ou pour questionner les histoires, les mémoires trop tenaces ou menacées de délitement. La résistance s’est également organisée grâce à l’art lui-même, de manière poétique ou discursive.

Le projet fait la part belle à la place de la contestation politique à l’heure des décolonisations et de l’effondrement des idéologies communistes après 1989 tout en abordant les relectures actuelles de l’histoire à travers l’excavation et la mise en mémoire. Il prend pour point de départ deux œuvres fondatrices des années 1990 issues de la collection du Centre Pompidou : le film The couple in the cage (1993), dans lequel Coco Fusco et Guillermo Gómez-Peña questionnent la persistance contemporaine de réflexes coloniaux, ainsi que la vidéo Partially Buried (1996), où Renée Green met au jour le rôle de la mémoire subjective dans l’écriture de l’histoire. Dans une époque de tumulte et d’urgence, il s’agit d’explorer comment ces contestations participent à la transformation des systèmes de pensées et modifient le regard sur le monde.

Le visiteur est accueilli dans le forum par la sculpture Rédemption de Barthélémy Toguo, révélée pour la première fois depuis son acquisition dans les murs du Centre Pompidou. L’œuvre évoque la rencontre Nord-Sud, le panafricanisme et la question de la rédemption et du salut des peuples. Le projet se déploie ensuite au quatrième étage des collections permanentes (galerie du musée, galerie d’art graphique, galerie 0) sur près de 1500m2. Le parcours est ponctué de slogans imprimés sur les murs, réalisés à partir d’œuvres de Barthélémy Toguo. Des œuvres-manifestes ouvrent l’exposition : Guy Ben Ner et Khalil Rabah évoquent le conflit israélo-palestinien, Teresa Margolles la frontière mexicaine, Yin Xiuzhen les conflits armés et Nadia Kaabi-Linke l’errance des migrants et des sans-abris.

Rédemption, 2012-2014 Bois, métal, plastique, tissu, encre, 430 x 600 x 150 cm Centre Pompidou, MNAM – CCI, Paris © Adagp, Paris, 2020
Rédemption, 2012-2014 Bois, métal, plastique, tissu, encre, 430 x 600 x 150 cm Centre Pompidou, MNAM – CCI, Paris © Adagp, Paris, 2020

Inspirée par Robert Smithson, l’œuvre de Renée Green structure dans un premier temps une stratégie de résistance polysémique pensée à l’échelle du paysage comme du territoire, mais aussi rattachée à une mémoire intime. L’imaginaire complexe de certaines villes comme Braddock (LaToya Ruby Frazier), Johannesburg (Subotzsky et Waterhouse), Dakar (Cheikh Ndiaye), marquées par le déclin économique, la contestation socio-politique ou la recomposition urbaine, hantent plusieurs œuvres.

Parallèlement, les artistes accompagnent la ferveur et les inquiétudes surgies des décolonisations (Kiluanji Kia Henda, Abdoulaye Konaté) et surtout en Afrique du Sud où persiste l’apartheid jusqu’en 1991 (Penny Siopis, Kemang Wa Lehulere, Sue Williamson). La mise en question de l’hypothèse communiste, abordée par The Propeller Group, et la progression d’un monde autoritaire, reflétée par l’installation de Pratchaya Phintong, sont le point de départ d’œuvres engagées qui tentent de réconcilier récits individuels et traumatismes collectifs. Les œuvres de Chim↑Pom et Yin Xiuzhen, elles, dénoncent la menace écologique. Dans une section plus contemplative, la littérature et la philosophie servent de réceptacles à une résistance plus souterraine comme dans le travail de Mohssin Harraki ou M’barek Bouhchichi ou dans l’œuvre emblématique Facing the Wall de Song Dong mêlant zen et combat spirituel.

REAL TIMES, 2011 Installation mixte Centre Pompidou, MNAM – CCI, Paris Achat grâce à la Society of the Japanese Friends of Centre Pompidou, 2019 © Courtesy of the artist and MUJINTO Production, Tokyo
REAL TIMES, 2011 Installation mixte Centre Pompidou, MNAM – CCI, Paris Achat grâce à la Society of the Japanese Friends of Centre Pompidou, 2019 © Courtesy of the artist and MUJINTO Production, Tokyo

Dans un second temps, dans la lignée de la mascarade amérindienne de Fusco et Gómez-Peña, certains résidus du monde colonial, en attente d’une recomposition multiculturelle, sont mis en lumière : le «cirque» ethnographique du «bon nègre» au Brésil (Jonathas de Andrade) est mis en négociation dans un monde qui ploie sous le poids des cicatrices (Otobong Nkanga).

Plus loin, il s’agit d’envisager la question de la mobilité au cœur du système capitaliste contemporain : les migrations (Younès Rahmoun, Halil Altindere), le corps comme outil de résistance (Evelyn Taocheng Wang, Ming Wong) viennent nourrir une série d’œuvres pensées comme des traversées. Les luttes féministes sont enfin activées dans le travail de Susan Hefuna et de Marcia Kure, tout autant que de nouveaux questionnements sur les questions de genre.

Une exposition présentant plusieurs artistes du continent

Global(e) Résistance présente un large panel d’artiste issue du continent et/ou des diasporas africaines. On retrouve les artistes Billie Zangewa (née en 1973 à Blantyre), Cheikh Ndiaye (né en 1970 à Dakar), Omar Ba (né en 1977 à Loul Sessene) ou encore Georges Adéagbo (né en 1942 à Cotonou).

« GLOBAL(E) RESISTANCE »
Centre Pompidou
Du 29 juil. 2020 au 4 janv. 2021
Place Georges-Pompidou
75004 Paris

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À propos de l’auteur

Oceane Kinhouande

Après avoir obtenu une licence de droit à l'université Panthéon-Assas Paris II j'ai intégré l'ICART Paris afin d'y poursuivre un MBA en Marché International de l'art. Je suis passionnée par l’art contemporain d'Afrique et par les cultures africaines et afro-descendantes. Il me semble vital et important que l'art contemporain d'Afrique puisse informer sur la multiplicité et les nuances de ses réalités. De même il me tient particulièrement à coeur que cette expression artistique puisse être un vecteur de l'histoire, de l'identité et des innovations africaines et afro-descendantes.

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