Kudzanai Chiurai, We live in Silence XVIIII. © Kudzanai Chiurai. Palais de tokyo, exposition Ubuntu. Africa 2020

Ubuntu, un rêve lucide

L’exposition, seconde partie de la saison Fragmenter le monde initiée en février 2020 au Palais de Tokyo, avec l’exposition Notre Monde brûle, propose d’investir l’Ubuntu, un espace encore infréquenté de nos imaginaires et de nos connaissances. Intraduisible dans les langues occidentales, le sens de ce terme, issu des langues Bantous du Sud de l’Afrique, conjugue les notions d’humanité, de collectif et d’hospitalité et peut être interprété ainsi : « je suis parce que nous sommes ».

Cette notion d‘Ubuntu, dans ses dimensions philosophiques et spirituelles, peut être considérée comme l’une des rares caractéristiques des sociétés africaines à avoir survécu aux six cents ans d’esclavagisme, de colonialisme et d’impéralisme de toutes natures qui ont déstabilisé les sociétés et sapé les cadres traditionnels de la transmission des savoirs. Enracinée dans de nombreuses langues1 et cultures africaines, la pensée Ubuntu reste agissante dans la conception de la place de l’individu dans sa communauté, mais également dans les liens entre les peuples, structurant une conscience et une vision du monde dans l’interdépendance de la relation. Cette notion a ainsi irrigué la pensée des mouvements de libération dans les expériences post-coloniales africaines des années 1960, nourrissant par exemple les aspirations à la construction d’un socialisme africain ou l’idée d’un panafricanisme politique.

Kudzanai Chiurai, We live in Silence XVIIII. © Kudzanai Chiurai. Palais de tokyo, exposition Ubuntu.
Kudzanai Chiurai, We live in Silence XVIIII. © Kudzanai Chiurai. Palais de tokyo, exposition Ubuntu.

Parce que l’Ubuntu symbolise le lien tissé entre tous les hommes, il a été employé et largement popularisé par Nelson Mandela pour dépeindre un idéal de société opposé à la ségrégation durant l’Apartheid puis pour promouvoir la réconciliation nationale en Afrique du Sud. Mais les réalités contemporaines africaines nous informent aussi de la mise en déroute de l’esprit d’Ubuntu à la lueur des ratés politiques, des con its sanglants, et des violences en particulier envers les femmes et les communautés LGBTQI+. Pourtant, la philosophie de l’Ubuntu est actuellement largement ré-investie par des intellectuels, des activistes et des producteurs dans tous les champs de la création contemporaine au travers des dynamiques nouvelles de réassemblage des pensées et des imaginaires qui traversent tout un continent en profonde mutation.

L’expositionUbuntu – Un rêve lucide entend témoigner de ces dynamiques actuelles et réunit les propositions d’une vingtaine d’artistes ou collectifs d’artistes dont les oeuvres entrent en résonance avec la philosophie Ubuntu « faire humanité ensemble » et cherchent à aborder cette pensée de l’action comme une ressource, un espace d’invention, autant que de médiation du monde réel.

Le parti a été pris de réunir des artistes souvent jeunes, et susceptibles d’avoir des points de vue et des perspectives critiques. Imaginée comme un espace polyphonique, l’exposition permet aux artistes de tisser des liens subtils entre la forme et leurs idées à partir de sujets, de points de vue et de positions multiples. Ces créateurs produisent avec toutes les cultures qui les habitent et à partir d’une expérience souvent double, parfois heurtée, de migration ou de transfert. L’exposition entend déjouer les enfermements géographiques et ne considérer qu’un espace : celui des réflexions proposées par les artistes au travers de récits subjectifs et d’œuvres susceptibles de métamorphoser nos imaginaires et de contribuer à une nouvelle intelligibilité du monde.

Ubuntu, le rêve lucide
Palais de Tokyo
19 juin 2020 – 13 septembre 2020
Commissaire de l’exposition : Marie-Ann Yemsi
13, avenue du Président Wilson, 75 116 Paris
De midi à minuit tous les jours, sauf le mardi

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