Vers l’Orée avec Grégory Olympio

Grégory Olympio se définit comme un artiste multidisciplinaire. Bien que son médium principal soit la peinture, le qualifier d’artiste peintre serait l’enfermer. Fin de l’histoire. Or il le dit dans une de ses oeuvres textuelles de 2015 Je ne suis pas un produit fini. Lors de notre discussion, Il me confie : « J’ai peur d’être réduit. J’ai des convictions. Mais je refuse d’être catalogué. J’ai envie de me dire que je ne sais pas tout. Je n’ai pas toutes les clefs. J’ai des sensations et des points de vue. Pourquoi me collerai-je une étiquette ? »

Grégory Olympio questionne sans cesse le concept de construction identitaire et de place dans la société. Déjà en école d’architecture en 2009, il sent qu’il n’est pas destiné au métier d’architecte. Il quitte Paris pour intégrer les Beaux Arts de Besançon en 2010. Il en ressort diplômé cinq ans plus tard. Ne venant pas d’un milieu en lien avec l’art, il se questionne sur ce qu’est l’art. Il découvre son pouvoir transformateur et le potentiel d’exploration de sujets qui l’intéressent. Ce fut une révélation. Ses oeuvres à ses débuts sont textuelles comme le Manifeste de l’art prétextuel, 2015, ou le droit de tout en faire, 2017. Elles accompagnent ses questionnements sur son identité, la société, l’art. « L’oeuvre Je ne suis pas un produit fini, était pertinente lorsque j’étais étudiant aux Beaux-Arts et elle l’est encore aujourd’hui. » Me raconte-il. 

Installation Chemises jaunes. Investec Cape Town Art Fair avec la galerie Septième. 2020
Installation Chemises jaunes. Investec Cape Town Art Fair avec SEPTIEME Gallery en 2020.

En 2018, des acryliques et gouaches sur papier apparaissent dans son travail. Dans Où est la balle? Des figures énigmatiques courent après une balle fantôme. Des personnages font leur entrée dans la série Futurs Diners. Avec sa série engagée Chemises jaunes, 2019, présentée à la foire du Cap avec SEPTIEME Gallery, Grégory Olympio, introduit véritablement des portraits dans son oeuvre. On observe des sujets de couleurs, de genres et d’origine différentes que Grégory de ses propres mots, résume « Dans la ville de Cotonou au Bénin, les taxis-moto portent une chemise jaune. Mes « Chemises jaunes » sont des hommes et des femmes tous différents. » 

Vues de l'exposition'S'approcher du bord' de Grégory Olympio à la galerie Septième jusqu'au 30 Octobre 2021
Vues de l’exposition personnelle ‘S’approcher du bord’ de Grégory Olympio à SEPTIEME Gallery jusqu’au 30 Octobre 2021. © Photo Nicolas Brasseur

L’acceptation de l’autre, le droit d’être d’ici et de là, le vivre-ensemble, le droit d’être et de représenter plusieurs choses à la fois, ou encore les identités multiples de chacun. Tout ce ceci semble être au coeur de l’oeuvre de l’artiste sans pour autant qu’il le revendique. Le concept d’identité apparaît fugace, dynamique, fluide, évolutif, insaisissable, inclassable, à la fois singulier et peut être reconnaissable par chacun. « J’espère représenter tout le monde dans mon travail. Je ne veux pas exclure. J’ai envie de croire qu’à la fin toutes les « races » vont être représentées.» Cette approche empathique a sans doute à voir avec son multiculturalisme. Né en 1986 à Lomé, Togo, Grégory grandi entre le Togo, le Bénin et la France. Installé à Besançon, Grégory peint des sujets fictifs qui semblent apparaitre de manière spontanée sur fonds colorés. Simplicité et minimalisme leur confère une contemporanéité et une fraicheur exquise. La couleur aspect essentiel de son travail se retrouve aussi dans les titres des toiles Homme Assis-fond bleuHomme aux gants marron fond gris.

Grégory Olympio, Femme Grise, 2021. Acrylique sur toile. © Grégory Olympio et Septième
Grégory Olympio, Femme Grise, 2021. Acrylique sur toile.
© Grégory Olympio et SEPTIEME Gallery

Formes et couleurs se confondent. Tout comme le concept d’identité et de culture. La frontière entre les contours des silhouettes et les couleurs des arrières plans n’est pas réellement délimitée. La couleur et la forme servent de passerelles l’une à l’autre. Une notion de perméabilité de frontières émerge de plus en plus à mesure que son travail évolue. « C’est vrai que maintenant, les bords sont un peu plus flous. J’ai commencé à un moment donné, sans trop en avoir conscience, à séparer les couleurs de manière moins nette comme je le faisais. C’est souvent la forme et la couleur qui me questionnent à postériori. C’est la pratique qui t’emmène à te poser les questions. Et non l’inverse. Ces contours plus flous oui j’en ai conscience…mais je ne sais pas ce qu’ils veulent dire.» 

En juin 2021 Grégory nomme Lisière sa première exposition personnelle en Afrique du Sud avec la galerie Blank Projects. Un choix de titre d’exposition particulièrement éloquent qui peut se comprendre de multiples manières en relation avec les questions de frontières « Je savais que Lisière c’était à l’extrémité d’un territoire, mais j’ai découvert que Lisière désignait aussi une bordure délimitant un tissu.. ».

Vue de l'exposition de Gregory Olympio, Lisière (2021) à la galerie blank projects, Cap, Afrique du Sud.
Vue de l’exposition de Gregory Olympio, Lisière (2021) à la galerie blank Projects, Cap, Afrique du Sud.

Durant cette même exposition, Grégory introduit une nouvelle série de peintures nommée Paysage grillageIci encore l’artiste joue avec les limites – les territoires ? Le grillage en tant qu’objet de délimitation et à travers lequel on peut voir ce qui est au-delà sans y avoir accès. L’artiste pose plus de questions qu’il n’apporte de réponses. 

Que dire de ses sujets ? Les portraits mettent en scène des personnages hétéroclites dans ce que l’artiste appelle des « attitudes » particulières à un instant T apportant ainsi une complexité dans la lecture des toiles. La catégorisation devient difficile. L’artiste nous pousse à questionner: Qu’est ce qui définit une personne? En peignant des sujets dans une attitude – jambes croisées, allongée – ou dans des couleurs précises, Il invite le regardeur à se reconnaître en chacune des attitudes grâce aux possibles points communs. La citation de Friedrich Nietzsche qui dit que « Les autres sont essentiellement des miroirs de toi-même. Tu ne peux aimer ou détester quelque chose chez autrui que si ce quelque chose reflète une chose que tu aimes ou détestes en toi » semble être appropriée. Les sujets sont composés de multiples sources; une coupe de cheveux vue en ligne, une femme vue dans la rue, ou un ensemble de couleurs qui obsède l’artiste – tout cela est assemblé pour former une seule image qui, selon les mots de l’artiste, « rend hommage à plusieurs personnes ou choses ». Peut être est-ce pour l’artiste encore un autre moyen de ne pas enfermer ses personnages et aussi son oeuvre dans une nationalité, un groupe ethnique, une origine. Le regard est souvent hors champs parfois les yeux fermés et dans certains des plus récents tableaux, les traits du visage sont effacés.

 « Je cherche une expression neutre et une neutralité. Quelque chose qui est entre deux. Avant certains personnages avaient les yeux ouverts. Et je trouvais que les yeux ouverts disaient quelque chose et on pouvait interpreter l’expression du visage. Etrangement je voulais un peu faire disparaître le personnage et me recentrer sur la couleur. J’ai voulu simplifier. Je suis dans la recherche de formes et de couleurs…une composition colorée. Je pense d’abord à l’aspect formel. J’ai du mal à expliquer. C’est très difficile pour moi d’expliquer pourquoi le personnage ne regarde pas etc…On nous demande d’expliquer notre peinture comme si nous savions ce que nous faisons. Je me promène, j’avance vers l’inconnu. » 

Vues de l'exposition'S'approcher du bord' de Grégory Olympio à la galerie Septième jusqu'au 30 Octobre 2021
Série des paysages – Vues de l’exposition ‘S’approcher du bord’ de Grégory Olympio à SEPTIEME Gallery jusqu’au 30 Octobre 2021 © Photo Nicolas Brasseur

Mais Grégory Olympio ce n’est pas que des portraits. Une série de paysages abstraits de petits formats nommée Petits paysages, ainsi qu’Oxygène naissent en 2019. Puis vint Respiration entre 2019 et 2020. Quand on le questionne au sujet de ses séries de paysages abstraits, Grégory m’explique « Ce que je cherche avec le paysage c’est ce que je cherche avec le portrait. Je n’arrive pas à en éliminer un. J’ai besoin même limite de les présenter ensemble. Faire des portraits me donne envie de faire des paysages et faire des paysages me donne envie de faire du portrait. J’en suis venu à faire des paysages qui tendent vers l’abstraction. Toujours dans cette même idée de l’utilisation de la couleur et de la forme. Je pense poser des questions et je ne donne pas de réponses. » 

Vues de l'exposition'S'approcher du bord' de Grégory Olympio à la galerie Septième jusqu'au 30 Octobre 2021
Vues de l’exposition ‘S’approcher du bord’ de Grégory Olympio à SEPTIEME Gallery jusqu’au 30 Octobre 2021 © Photo Nicolas Brasseur

Actuellement se tient S’approcher du bord sa première exposition personnelle à Paris avec SEPTIEME Gallery. L’exposition dévoile une nouvelle série de portraits et de paysages abstraits de petits formats ensemble. Quand on lui demande pourquoi des petits formats, il répond: « Moi je faisais des petits formats pour créer des compositions intimes. Récemment j’ai lu des écrits sur Mark Rothko qui disait qu’il y a quelque chose d’intime dans un grand tableau. Cette phrase a été comme un déclic pour moi. Je souhaiterais aller vers des formats plus grands à l’avenir pour voir ce qui se passe. » 

Grégory Olympio se définit comme un artiste multidisciplinaire. Son médium est la couleur. Formes et couleurs sont les principales substances de son oeuvre. Comme il le dit si bien, « Je peins avant tout des couleurs et des formes. Bien au-delà des personnages qui apparaissent dans mes tableaux. Lorsque je dis que mon travail c’est de mettre des couleurs côte à côte, on peut le comprendre de manière picturale ou philosophique. On peut se demander est ce qu’il veut mettre des gens côte à côte ? Je présente des portraits, des gens côte à côte… Je fais quelque chose de très personnel. Si cela peut être compris par quelqu’un d’autre… J’essaie de le faire en essayant de ne pas mentir. Peindre c’est tenter d’atteindre un point où l’on ne peut se tenir. » 


S’approcher du bord
Une exposition personnelle de Grégory Olympio
SEPTIEME Gallery
À voir jusqu’au 30 octobre 2021
31, rue de l’Université, 75007 Paris 

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