Entretien avec le collectionneur d’art Oliver Elst

Kudzanai Violet Hwami, Eve on Psilocybin, 2018. Avec l'autorisation de Cuperior Collection
Kudzanai Violet Hwami, Eve on Psilocybin, 2018. Avec l’autorisation de Cuperior Collection

Derrière Cuperior Collection, vous trouverez Oliver Elst, un jeune designer automobile allemand. Avec une ambition clairement identifiée à savoir celle d’établir une collection d’art contemporain d’Afrique et de ses diasporas afin d’avoir un réel impact dans la promotion de ce segment de marché. Il sélectionne ses futures acquisitions, en considérant leur place au sein de la collection, en dialogue avec les autres œuvres. Sa démarche s’apparente ainsi à celle d’un conservateur d’une collection privée. Dans cette interview, Oliver Elst nous fait part de ses expériences personnelles en matière d’art, de ses ambitions et de ses conseils pour débuter sa collection.

Oliver, quel est votre premier souvenir d’art ?

Issu d’une formation en art et design et travaillant comme designer automobile, j’ai été très tôt au contact de l’art. Moi-même je dessinais et créais des œuvres, dès l’âge de 13 ans, principalement des voitures, des graffitis et des bandes dessinées. Plus tard à l’université, j’ai fait de la peinture et du dessin, notamment du nu.

C’est grâce à ce contact très tôt avec la création que je peux dire de premier abord ô combien il est difficile de réaliser une peinture de qualité ou de créer une œuvre d’art exceptionnelle. Après l’université, je me suis davantage concentré sur mon métier de designer, mais je n’ai jamais oublié les arts.

Vous rappelez-vous de la première œuvre d’art que vous avez acquise ?

Au début de mon premier emploi, j’ai acheté deux lithographies du célèbre artiste allemand Gerhard Richter. Ce qui m’a incité à acheter d’autres œuvres d’art et à devenir collectionneur. Plus tard, j’ai vendu les lithographies et acquis ma première œuvre originale; une peinture d‘Aboudia.

Les lithographies sont un bon point d’entrée sur le marché de l’art, mais à un certain moment, je désirais acquérir une œuvre originale et unique, alors j’ai commencé à faire des recherches et à réfléchir à la typologie d’art que j’aimais, aux segments du marché de l’art où il existait de bonnes possibilités d’investissement et à ce qui devrait être le point central de ma collection. J’ai fini par trouver le concept de « Cuperior Collection – Oliver Elst », axée essentiellement sur l’art africain contemporain et sa diaspora.

Comment vous décririez-vous en tant que collectionneur d’art en une phrase ?

Passionné et déterminé pour avoir un impact.

Pouvez-vous nous en dire plus sur certaines des raisons pour lesquelles vous collectionnez l’art et pourquoi, en particulier, l’art africain contemporain ?

Ma principale motivation est d’aider les jeunes artistes talentueux à se faire connaître et mon objectif personnel est d’avoir un impact en tant que collectionneur. Lorsque l’on retrouve les œuvres de telle ou tel artiste dans une collection solide, clairement définie et compréhensible, cela a un réel impact sur la reconnaissance des artistes et favorise sensiblement l’établissement de ces derniers sur le marché global.

Pourquoi l’art africain contemporain ? Je voulais faire partie d’un marché émergent pour apporter ma contribution en tant que collectionneur et j’ai découvert l’art africain contemporain. J’y ai vu un énorme potentiel et des opportunités d’investissement.

Pendant longtemps, l’Afrique n’était pas vraiment considérée dans le monde de l’art à tort, ce qui a commencé à changer il y a quelques années fort heureusement. Le continent commence à recevoir l’attention qu’il mérite dans l’art contemporain. De nombreuses œuvres sont encore très accessibles, et il existe un énorme potentiel de croissance.

Zanele Muholi, Vile, Gothenburg, Sweden, 2016. Courtesy Cuperior Collection
Zanele Muholi, Vile, Gothenburg, Sweden, 2015. Avec l’autorisation de Cuperior Collection.

Pouvez-vous nous en dire plus sur votre collection à travers les deux mots qui composent son nom?

Le mot « Cuperior » se compose de deux mots et décrit le mieux mon objectif et ma philosophie. C’est une combinaison des mots latins « cupere »/désir et « prior »/précurseur. J’ai voulu donner à la collection un nom spécifique qui décrit le mieux son but et qui est facile à reconnaître. J’ai combiné ces deux mots pour donner un nom à la collection. La notion de « désir » est liée à la sélection des meilleures œuvres d’artistes talentueux, car ces œuvres ont toujours le plus grand potentiel pour la conservation et/ou l’augmentation de valeur au fil du temps. Et le marché est toujours à la recherche du meilleur. En général, tout art cher n’est pas bon, mais le meilleur est toujours cher.

Prior/Précurseur est lié à l’achat d’oeuvres d’artistes ayant un fort potentiel au début de leur carrière, certains artistes viennent d’avoir leur première exposition individuelle ou sont tout juste diplômés.

Avec ce concept et cette idéation, je pense qu’il est toujours plus facile de guider les personnes intéressées vers votre vision et votre philosophie. Votre propre nom peut signifier beaucoup mais ne dit rien sur votre but et votre orientation.

Pourriez-vous nous en dire plus sur les critères de sélection des œuvres de votre collection ?

Avant d’acquérir une oeuvre originale, je fais beaucoup de recherches; je lis, je visite des foires et des expositions – en ligne, en musée comme en galerie. Une acquisition c’est la somme de tout cela. Pour moi, la qualité est la clé, plutôt que la quantité. Pour identifier la qualité, il est important de voir autant d’art que possible pour créer un certain œil et aiguiser sa vision.

Il semble que vous ayez un grand intérêt pour la peinture figurative. N’êtes-vous pas intéressé par d’autres formes de médiums ou d’œuvres ?

Il est vrai qu’au début de la collection, j’ai acquis beaucoup d’installations abstraites et murales, mais en 2018 j’ai décidé d’ajouter plus d’art figuratif, ce qui a donné une toute autre tournure à la collection.

Le collectionneur Oliver Elst fondateur de Cuperior Collection à côté d'une peinture de l'artiste figuratif sud-africain Cinga Samson. © Oliver Elst
Le collectionneur Oliver Elst fondateur de Cuperior Collection à côté d’une peinture de l’artiste figuratif sud-africain Cinga Samson. © Oliver Elst

Vous utilisez le nombre d’or pour justifier de la qualité ou pour prédire le succès futur d’une œuvre d’art. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Notre cerveau est trop sensible pour voir des corrélations et essaie de reconnaître des modèles déjà existants, qui sont utiles comme guide dans la nature et la société. La proportion et le ratio sont des lignes directrices. Nous pouvons les voir inconsciemment dans tout, qu’il s’agisse d’architecture, de design, de nature ou d’art.

Pour les décrire de manière plus visuelle, nous pouvons utiliser ce formidable outil qu’est le nombre d’or. Le nombre d’or décrit le ratio entre deux lignes, c’est-à-dire lorsque le rapport entre une ligne plus longue et une ligne plus petite est égal à la longueur totale de la ligne plus longue.

Qu’en est-il des autres formes d’art non figuratif, la notion du nombre d’or fonctionne-t-elle aussi ? Pouvez-vous nous en dire plus ?

C’est un rapport que l’on retrouve très souvent dans les œuvres d’art, qu’elles soient figuratives ou abstraites, si l’on y regarde de près. La proportion et la disposition sont la clé et la base de toute œuvre d’art.

Jonathan Lyndon Chase, Bend, 2018. Courtesy of Kohn Gallery, Los Angeles. Courtesy Cuperior Collection
Jonathan Lyndon Chase, Bend, 2018. Avec l’autorisation de Cuperior Collection

Quelle est l’œuvre la plus récente ajoutée à votre collection et pourquoi ?

Au début de cette année, j’ai eu la chance d’acquérir une œuvre de l’un de mes artistes préférés, Jonathan Lyndon Chase. Actuellement, il y a deux œuvres de lui dans la collection.

Y a-t-il des sujets qui vous intéressent, lorsque vous collectionnez des œuvres d’art ?

Je dirais que pour moi, le sujet ou le contexte de l’œuvre est secondaire. Je recherche avant tout la qualité d’une œuvre d’art. Qualité, technique et innovation.

La qualité je l’ai expliquée précédemment. Les deux autres critères importants sont la technique et l’innovation. Il s’agit essentiellement de savoir si l’œuvre de l’artiste, son style est quelque chose de nouveau. Dans le monde de l’art, il y a beaucoup d’artistes qui font des choses similaires, donc vous devez identifier les techniques et voir si l’artiste apporte une valeur ajoutée, fait émerger quelque chose de nouveau et de différent ou non.

Joy Labinjo, Sans titre, 2018. © Cuperior Collection
Joy Labinjo, Sans titre, 2018. © Cuperior Collection

Le numérique a-t-il changé votre façon de collectionner l’art ?

Pas tellement parce que j’ai toujours acheté des œuvres d’art par le biais d’échanges de courriels, de catalogues en pdf ou de plateformes tierces spécialisées dans la vente d’œuvres d’art en ligne. En fait, presque toutes les œuvres de ma collection ont été acquises en ligne et par des moyens numériques. De mémoire, la seule œuvre que je n’ai pas acquise en ligne est une œuvre de Moffat Takadiwa. Elle avait été exposée dans une foire d’art à une époque où il n’était pas encore très connu.

Vous semblez très présent sur instagram ces derniers temps…

Récemment, en raison de la pandémie que nous venons de traverser, et avec le désir de soutenir le secteur, j’ai lancé un nouveau canal pour donner aux collectionneurs, aux artistes, aux galeries, aux commissaires d’expositions et aux maisons de vente aux enchères une nouvelle plate-forme pour se présenter. Je mène des interviews et des discussions hebdomadaires sur mon compte-rendu en direct Instagram, pour leur donner l’occasion de se présenter à un public plus large et nous donner un aperçu de leur travail et de leurs idées.

Le COVID-19 influencera-t-il vos futures acquisitions d’œuvres ou aura -t-il un impact sur vos habitudes d’acquisition ? Veuillez nous en dire plus.

Bien sûr, tout le monde de l’art a été impacté par la pandémie et je vais rassembler encore plus d’informations et réfléchir plus stratégiquement à mes futures acquisitions.

Vue de l'installation dans la maison d'Oliver Elst avec des œuvres d'Aboudia (Untitled, 2012) et de Moffat Takadiwa (Educated Fulls, 2016). Cuperior collection
Vue de l’installation dans la maison d’Oliver Elst avec des œuvres d’Aboudia (Untitled, 2012) et de Moffat Takadiwa (Educated Fulls, 2016). Cuperior collection

Le coronavirus a eu un impact sur l’ensemble du monde de l’art. Comment ressentez-vous l’avenir du marché de l’art africain après le Covid-19 ?

Pour une fois, l’ensemble du marché mondial de l’art a été impacté de la même manière que le marché de l’art africain. Les foires et les maisons de vente aux enchères ne peuvent plus fonctionner comme elles le faisaient normalement et les galeries doivent adapter leurs expositions et leurs canaux de vente. Mais je pense que c’est une grande opportunité et que de bonnes choses émergeront. Les stratégies numériques deviennent plus que jamais une réalité et sont cruciales.

Turiya Magadlela, Inzondo Zabalungileyo (Hatred to the Innocent), 2016. Courtesy Cuperior Collection.
Turiya Magadlela, Inzondo Zabalungileyo (Haine envers les innocents), 2016. Avec l’aimable autorisation de la Collection Cuperior.

Avez-vous une œuvre d’art préférée dans votre collection ? Si oui, laquelle ?

J’aime toutes mes œuvres, mais bien sûr, certaines m’émeuvent un peu plus que d’autres. Par exemple Cinga Samson, Kudzanai Violet Hwami ou Jonathan Lyndon chase.

Citez trois artistes qui sont dans votre radar.

Moffat Takadiwa, Devan Shimoyama et Firelei Baez. Je rêve également d’acquérir des œuvres de Kerry James Marshall ou de Njideka Akunyili Crosby.

Donnez trois conseils aux nouveaux collectionneurs qui vous lisent

Il n’y a que deux conseils que j’aimerais donner. Premièrement, entraînez vos yeux et deuxièmement, écoutez votre instinct.

Cuperior Collection
https://www.cuperior.com

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