Peteros Ndunde: Des lignes émerge la forme

Peteros Ndunde est un artiste plasticien basé à Nairobi qui utilise principalement l’encre de stylo à bille pour créer des dessins et des œuvres sur papier. Dans ses récentes oeuvres, l’artiste poursuit ses investigations sur la forme à travers la fragmentation, la superposition et les gestes répétés. Découvrez son travail…

Les dessins de Peteros Ndunde chevauchent les lignes précaires entre le formalisme de l’histoire de l’art – faisant référence à la rigidité et à la structure de la forme – et l’expérimentation. Cet équilibre entre un dessin issu de l’histoire de l’art et sa propre interprétation permet à l’espace de travail de respirer, où chaque geste devient un emblème pour une pleine expression.  

La colonne vertébrale le long de laquelle sa pratique se construit est liée à deux principes fondamentaux : la distillation et la répétition où la fracture, la fragmentation et la reconstruction aboutissent dans leur ensemble. Il réussit à extraire les aspects les plus essentiels de la forme par un processus de répétition et de superposition.

Ndunde explique; “Dans mon processus de création, je décompose les choses avec l’intention de me concentrer sur l’aspect le plus important que chaque pièce transmet. La première décomposition est le désencombrement de la composition dans son ensemble où j’utilise intentionnellement un espace négatif.” Il développe; “Je dois être répétitif dans ma technique de dessin au trait. Le processus consiste à superposer des traits de lignes jusqu’à ce que la forme soit atteinte. C’est simple, mais cela demande beaucoup de travail.”

La pratique artistique de Ndunde peut être lue à travers le médium, les matériaux ainsi que la technique, qui rendent tous visibles une sensibilité attirée par la clarté et l’équilibre compositionnel. La ligne et l’ombre sont utilisées pour créer des figures fracturées et désassemblées avec une suggestion vers le cubisme, en particulier par l’utilisation de la lumière, du ton ainsi que par la réduction de la couleur à une seule teinte à un moment où les rouges, les verts, les bleus et les gris s’affirment contre l’espace neutre.

L’utilisation de l’encre de stylo à bille ajoute de la richesse à la lecture de son œuvre tout en frustrant les lectures de l’histoire de l’art de son œuvre. Ceci est particulièrement dû au fait que l’œuvre s’inscrit dans les traditions d’expérimentation établies par une longue lignée d’artistes qui ont continué à rejeter et à compliquer les lectures claires de l’art comme étant purement de la peinture et/ou de la sculpture.

L’artiste coréen-américain Il Lee en est un exemple : depuis les années 1970, il utilise des encres à bille pour créer des œuvres abstraites à grande échelle. Les dessins à l’encre de stylo-bille d’Il Lee ont remis en question et repoussé les limites des deux médiums que sont la peinture et le dessin. S’exprimant sur l’art du stylo à bille d’Il Lee, l’auteur Trent Morse le désigne (aux côtés des artistes Alighiero Boetti et Jan Fabre) comme le parrain d’une étude intense des nouvelles formes de dispositifs artistiques. Dans la même optique, l’art de Ndunde ne contribue pas seulement au médium du dessin, mais le défie également. 

Les dessins de Ndunde résistent à des lectures allégoriques et rejettent tout symbolisme apparent. Ce processus de dépouillement des symboles laisse derrière lui des images structurelles intéressantes — des figures aérobies et acrobatiques qui émergent, sautent, se plient, atteignent et atterrissent. Elles s’enracinent de manière séduisante entre les bords ; à la fois uniformes et intelligibles tout en restant complexes, insaisissables et opaques. 

Considérées comme des séquences délibérées et des arrangements de lignes, les figures de Ndunde sont structurées et contrôlées et pourtant elles sont capables d’obtenir un effet apaisant grâce à la musicalité et au rythme. Cet effet reflète peut-être l’état d’esprit de l’artiste lorsqu’il produit son œuvre, où la régularité et la répétition se traduisent par une aisance mentale.

L’artiste précise : « J’ai des sentiments similaires au fil du temps. Certaines présentations me viennent naturellement lorsque je regarde des situations telles que la façon dont nous assumons la peur de manière subconsciente et consciente ».

Cela est une fois de plus évident dans la façon dont l’artiste a choisi d’intitules les oeuvres : Reach(portée), Flight (l’envolée), Landing (l’atterrissage), Progression et Emergence — en parlant des cycles psychologiques et physiologiques de l’apprentissage, de la réalisation, du mouvement, de l’espoir, du repos, du rêve et du lâcher prise. 

Ce qui est intéressant et peut-être même passionnant, c’est lorsque les artistes sont capables de créer en dehors des contraintes et des attentes existantes de ce que l’art est ou devrait être, c’est-à-dire la capacité de s’inspirer de traditions anciennes tout en étant capable d’innover et d’offrir une expression complète. C’est ce genre de va-et-vient sans contrainte et sans restriction qui crée un dialogue significatif entre l’histoire, le patrimoine et les notions modernes d’art et de création artistique.

Les oeuvres de Peteros Ndunde seront présentées le 24 juin prochain dans le cadre de la vente aux enchères PIASA dédiée à l’art contemporain Africain. En exclusivité et en amont de cette grande vente Artskop3437 vous propose une sélection de dessin de l’artiste.