Youssef Nabil. Once Upon a Dream, un rêve éveillé
Dans le cadre de son cycle consacrées aux monographies des artistes contemporains, le Palazzo Grassi présente la première grande rétrospective de Youssef Nabil, artiste protéiforme égyptien dont l’œuvre navigue entre photographie, peinture, vidéo et installation.
Empreintes d’une douce nostalgie, les images atemporelles de Youssef Nabil nous transportent dans une réalité lointaine. Ces photographies dépeignent une Égypte légendaire qui s’éteint tout en évoquant les troubles que connait le Moyen-Orient d’aujourd’hui. La superposition des niveaux de lecture, le jeu entre description, symbolisme et abstraction, font la richesse de l’œuvre de Youssef Nabil qui traverse avec poésie son parcours tel un journal intime.
Fasciné dès son plus jeune âge par le cinéma, Youssef Nabil commence sa carrière de photographe en 1992 avec des tableaux illustrant des personnages figés dans une pose cinématographique, comme s’il s’agissait d’images de films de l’âge d’or du cinéma égyptien. Plus tard, dans les années 90, alors qu’il est assistant photographe à New York et à Paris, il commence à photographier des artistes et des amis, réalisant des portraits formels tout en plaçant ses sujets dans les domaines du rêve et du sommeil, au bord de la conscience et loin de leur personnage public.
De retour en Égypte en 1999, il approfondit sa technique de photographie colorée à la main avec des portraits d’auteurs, de chanteurs et d’acteurs du monde arabe. À la même époque, et notamment après son retour à Paris et à New York, il commence à réaliser des autoportraits qui reflètent sa vie disloquée loin de l’Égypte. En pleine évolution dans les quinze dernières années, cette série se caractérise par des scènes liminales où il s’attarde entre les réalités du monde et des rêves sereins, la solitude et la peur de la mort.
Les photographies de l’artiste relèvent d’une technique photographique traditionnelle qui était largement utilisée depuis les portraits de famille jusqu’aux affiches de films qui peuplaient les rues du Caire dans les années 1970 et 1980. En colorant à la main ses tirages à la gélatine d’argent, Nabil élimine les imperfections de la réalité. Youssef Nabil renverse les principales notions de la photographie couleur et de la peinture, ainsi que les stéréotypes sur les sensibilités esthétiques associées à l’art et à la culture populaire. En suscitant un sentiment de désir et de nostalgie, ses images colorées à la main oscillent entre notre époque et une autre ère.
Mais l’œuvre de Youssef Nabil ne saurait se réduire aux considérations formelles relatives aux choix des techniques ou même de l’esthétique dans lesquelles s’inscrit son travail. Ses œuvres, qu’elles soient photographiques ou cinématographiques, sont surtout des œuvres qui nous livrent une prodigieuse narration de la vie de l’artiste, de sa sensibilité, de ses passions, de ses déceptions et de ses attentes. Elles sont sa chair et son âme mêmes.
Envisagée comme une narration, ‘Once upon a Dream’ est un récit initiatique, entre fiction et réalité, où chaque thème abordé a une portée autant universelle qu’individuelle. La recherche de repères identitaires, les préoccupations idéologiques, sociales et politiques contemporaines, la mélancolie d’un passé révolu : autant de sujets que chacun d’entre nous ressent et que les photographies de Youssef Nabil mettent en lumière au fil de ses voyages.
« L’œuvre de Youssef Nabil vient de quelque part. Elle est, on l’a dit, enracinée. Elle n’est cependant prisonnière d’aucun carcan. C’est une œuvre libre, une œuvre qui fixe son projet sur tous les horizons possibles. C’est, de ce fait, une œuvre déjà riche mais une œuvre loin d’être conclue. L’exposition ‘Once upon a Dream’ du Palazzo Grassi en est ainsi un formidable témoin, tout en étant son bilan d’étape ».
—Jean-Jacques Aillagon
L’exposition dont le commissariat est assuré par Matthieu Humery et Jean-Jacques Aillagon, rassemble plus de 120 œuvres qui retracent toute la carrière de l’artiste. Le titre, ‘Once upon a Dream’, invoque à la fois la trame narrative du projet mais aussi l’onirisme d’un périple qui s’apparente à une échappée fantastique. Chaque section thématique est composée d’œuvres de jeunesse et d’œuvres plus récentes de Youssef Nabil. Once Upon a Dream présente sans chronologie son travail filmographique avec la diffusion de ses trois réalisations : Arabian Happy Ending, I Saved My Belly Dancer et You Never Left.
Bien qu’elle couvre l’entière carrière de l’artiste, l’exposition ‘Once upon a Dream’ ne se veut pas comme une simple monographie. Elle donne la parole à l’artiste pour offrir une vision profonde de ses aspirations et de son implication dans le monde de l’art du XXIème siècle.