William Kentridge, un poème qui n'est pas le nôtre au LAM. Lille métropole musée d'art moderne, d'art contemporain et d'art brut. Du 5 Février au 5 Juillet 2020

William Kentridge, un poème qui n’est pas le nôtre

L’année 2020 s’ouvrira au LaM par une grande rétrospective consacrée à William Kentridge – un poème qui n’est pas le nôtre – la première de cette ampleur organisée par un musée français. Conçue en étroite collaboration avec l’artiste et avec le Kunstmuseum de Bâle, l’exposition investira la moitié de la surface du musée et présentera des œuvres inédites, jamais montrées en Europe (des tous premiers dessins à la dernière œuvre en cours de réalisation).

William Kentridge, Red Rubrics, 2011. © William kentridge
William Kentridge, Red Rubrics, 2011. © William kentridge

Originaire d’Afrique du Sud, William Kentridge est reconnu à l’échelle internationale comme étant l’un des plus grands artistes de sa génération. Créateur parmi les plus prolifiques de ces vingt dernières années, il explore avec une grande aisance tous les médiums : dessin, gravure, sculpture, tapisserie, film d’animation, performance, installation vidéo, etc. Son intérêt pour le théâtre lui a permis d’établir des passerelles entre les arts plastiques, le cinéma et les arts du spectacle, faisant de lui un virtuose de la mise en scène et de l’image en mouvement. Son œuvre foisonnante offre une vision tout à la fois poétique et critique de sujets parmi les plus délicats comme la décolonisation, l’Apartheid, les conflits politiques ou le rôle de l’Afrique dans la Première Guerre mondiale.

En octobre 2019, William Kentridge a reçu le Praemium Imperiale, l’un des prix les plus prestigieux dans le domaine des arts et de la culture, remis par la famille impériale du Japon.

Présentées par les plus grands musées internationaux comme la Tate Modern (Londres, 2012), le Metropolitan Museum of Art (New York, 2013), le San Francisco Museum of Modern Art (2016) et le Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofia (Madrid, 2017), les œuvres de Kentridge n’ont jamais bénéficié d’une grande rétrospective en France, ce à quoi remédie l’exposition Un poème qui n’est pas le nôtre.

Johannesburg

Né à Johannesburg en 1955 dans une famille d’avocats intimement liée à la lutte contre l’Apartheid, Kentridge étudie d’abord les sciences politiques avant de se tourner vers des études d’art. En 1981-1982, il s’installe à Paris où il s’inscrit aux cours de théâtre et de mime de l’École Jacques Lecoq. Après un passage comme assistant à la télévision, il revient en Afrique du Sud et se tourne vers le dessin et le film d’animation.

Depuis ses débuts, Kentridge explore la condition humaine, en particulier les thématiques de la migration et du déplacement. Les décors de scène réalisés pour la pièce de théâtre Sophiatown (1986- 89) ainsi qu’un film documentaire introduiront les visiteurs à son approche transdisciplinaire de la création. La pièce, fruit d’une collaboration avec la Junction Avenue Theatre Company, met en scène l’évacuation forcée et la démolition à la fin des années 1950 de Sophiatown, quartier noir de Johannesburg. Cet ensemble de dessins n’a jamais été exposé en Europe dans son intégralité.

Films d’animation et dessins au fusain

William Kentridge, The Refusal of Tile 2010. Extrait vidéo. © William Kentridge. Avec l'aimable autorisation de Marian Goodman Gallery.
William Kentridge, The Refusal of Tile 2010. Extrait vidéo. © William Kentridge. Avec l’aimable autorisation de Marian Goodman Gallery.

En 1985, William Kentridge réalise Vetkoek / Fête Galante, l’un de ses premiers films d’animation. Il met au point une technique cinématographique qu’il appelle «animation du pauvre», composée de photographies de dessins au fusain et de collages. Il développera ensuite ce principe dans la série de films intitulée Drawings for Projection (depuis 1989). Enregistrés avec une caméra 35 mm, les épisodes animés mettent en scène deux personnages, Soho Eckstein et Felix Teitlebaum, qui sont des alter- ego de l’artiste.

Une série plus récente de films expérimentaux Drawing Lessons (commencée en 2009) présente Kentridge dans son atelier. Des séquences courtes illustrent la façon dont il aborde, avec humour, la question essentielle du processus créateur. Il réhabilite ainsi de façon originale et ironique le lieu mythique de la création et les relations entre l’artiste et son modèle, se dédoublant et se prenant lui-même comme modèle

Sources et satire politique

Pour la première fois, l’exposition offre l’occasion de lier l’œuvre de Kentridge à l’histoire de l’art (constructivisme, dadaïsme, surréalisme, expressionnisme allemand, etc.).
Certaines des sources artistiques de Kentridge seront présentées : le cinéma de Georges Méliès qui inspira 7 Fragments pour Georges Méliès, Un Voyage dans la lune (2003) mais aussi le personnage grotesque d’Ubu inventé par Alfred Jarry que l’on retrouve dans Ubu Tells The Truth (1997). L’installation O Sentimental Machine (2015) reconstitue, quant à elle, l’espace fermé d’une antichambre d’hôtel directement inspirée de films d’archives de défilés bolchéviques, d’un discours inédit de Trotski, mêlés à une fiction humoristique sur sa secrétaire Evgenia Shelepina.

La dérision n’est jamais gratuite chez Kentridge, elle s’appuie sur une profonde conscience de l’histoire et de ses meurtrissures que l’artiste aborde sous un angle qui les rend universelles et intemporelles.

Spectaculaire, accessible et ambitieux

The Head & The Load figure parmi les œuvres les plus spectaculaires de William Kentridge. Présentée pour la première fois en 2018 à Tate Modern de Londres, elle a été réalisée dans le cadre du centenaire de la Première Guerre mondiale et revient sur le rôle peu connu joué par l’Afrique dans le conflit. Cette œuvre théâtrale fait dialoguer de façon très spectaculaire, chants africains et opéras européens, pour raconter l’histoire des enjeux des puissances coloniales en Afrique. The Head & The Load offre une synthèse saisissante du travail de William Kentridge, à la fois impressionnant dans sa forme, ambitieux dans son propos et accessible au plus grand nombre.

Plusieurs autres œuvres emblématiques de l’exposition fournissent des informations supplémentaires sur les thèmes généraux de l’exposition, à savoir la migration, le déplacement et la procession ; sujets essentiels pour l’œuvre de Kentridge, initiés par la vidéo Shadow Procession (1999), et développés plus tard dans Triumphs and Laments (2016).

Un autre thème fondamental est enfin abordé, celui du temps et de l’histoire. L’installation monumentale The Refusal of Time, 2012 (la négation du temps) est un spectacle total mêlant musique, danse, chant, vidéos, réalisé en étroite collaboration avec le compositeur Philip Miller et l’historien des sciences Peter Galison. Tout en évoquant des souvenirs personnels d’enfance, William Kentridge livre ses interrogations sur la notion aléatoire du temps.

Commissaires d’exposition parMarie-Laure Bernadac, conservatrice générale honoraire du Patrimoine et Sébastien Delot, directeur-conservateur du LaM

William Kentridge, un poème qui n’est pas le nôtre
Exposition retrospective au Lille Métropole Musée d’art moderne, d’art contemporain et d’art brut
5 Février – 5 Juillet 2020
Du mardi au dimanche de 10h à 18h

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