Une exploration de la vérité abstraite des choses à la galerie Tiwani Contemporary

En entrant dans la galerie Tiwani Contemporary que j’ai déjà visitée maintes fois auparavant, la première chose qui reteint mon attention fut la mélodie de jazz qui émanait du fond de la galerie. La playlist, organisée par les artistes Charmaine Watkiss et Andrew Pierre Hart, sert à créer non seulement une bande sonore pour l’exposition mais aussi un fil conducteur connectant leurs œuvres.

Le titre de l’exposition fait à la fois référence à un album de 1961, The Blues and the Abstract Truth, du saxophoniste Oliver Nelson, et au titre de l’exposition du même nom de 1997, de David Hammons.

Vue de l'installation "The Abstract truth of things" à Tiwani Contemporary. © Tiwani Contemporary
Vue de l’installation : La vérité abstraite des choses – The Abstract Truth of Things | Charmaine Watkiss & Andrew Hart | Tiwani Contemporary | 23 juillet – 12 septembre 2020 © Crédit photo : Deniz Guzel
Vue de l'installation : La vérité abstraite des choses | Charmaine Watkiss & Andrew Hart | Tiwani Contemporary | 23 juillet - 12 septembre 2020 Crédit photo : Deniz Guzel
Vue de l’installation : La vérité abstraite des choses – The Abstract Truth of Things | Charmaine Watkiss & Andrew Hart | Tiwani Contemporary | 23 juillet – 12 septembre 2020 © Crédit photo : Deniz Guzel

Les intenses pigments bleus utilisés dans les oeuvres des deux artistes font non seulement références au jazz, au blues, à la couleur bleue au sens propre mais également à l’océan Atlantique et aux histoires profondément liées à celles des peuples noirs. La teinture indigo était utilisée traditionnellement dans la fabrication de textiles dans les Caraïbes et en Afrique de l’Ouest, et apparaît ici dans la peinture et l’encre, avec des tons bleus clairs.

Des deux artistes, Andrew Pierre Hart est celui qui fait directement référence à la musique dans son travail, explorant « la relation symbiotique entre le son et la peinture ». Les grandes peintures de Hart sont faites de plusieurs couches denses, de coups de pinceau appliquées de manière frénétiques et de marques blanches qui semblent avoir été soit grattés soit raclés.

L’artiste ne commence à travailler qu’après avoir été inspiré par un morceau de musique et qualifie son processus de peinture de « libération » sur toile. Je pouvais sentir une certaine harmonie entre les coups de pinceau rythmés et la musique jouée dans la galerie. Des figures humaines apparaissent également dans des scènes de boîtes de nuit aux couleurs vives dans les peintures bass experiment (sisters) it works in our town (s1:e1) et Bass experiment, the blue night sequence (s1:e1), cette dernière mettant également en scène une silhouette ombrageuse tenant un gigantesque haut-parleur. Hart semble s’intéresser autant à la culture nocturne qu’à l’aspect sonore de la musique elle-même.

Vue de l'installation "The Abstract truth of things" à Tiwani Contemporary. © Tiwani Contemporary
Vue de l’installation : La vérité abstraite des choses – The Abstract Truth of Things | Charmaine Watkiss & Andrew Hart | Tiwani Contemporary | 23 juillet – 12 septembre 2020 © Crédit photo : Deniz Guzel
Vue de l'installation : La vérité abstraite des choses | Charmaine Watkiss & Andrew Hart | Tiwani Contemporary | 23 juillet - 12 septembre 2020 Crédit photo : Deniz Guzel
Vue de l’installation : La vérité abstraite des choses – The Abstract Truth of Things | Charmaine Watkiss & Andrew Hart | Tiwani Contemporary | 23 juillet – 12 septembre 2020 © Crédit photo : Deniz Guzel

Alors que les peintures de Hart sont pleines de vigueur et de spontanéité, le détail des illustrations de Watkiss suggère un processus lent et intentionnel de création artistique. Les figures féminines de chaque dessin sont modelées sur Watkiss elle-même, et sont répétées avec quelques modifications. Elles sont ornées de vêtements décorés de façon complexe avec des motifs uniques, qui comprennent des motifs géométriques et floraux, ainsi que des références symboliques à diverses pratiques spirituelles et culturelles d’Afrique de l’Ouest.

The World Has Four Corners présente un bol similaire aux vases utilisés dans la religion Ifa avec la tête du « Knowledge Keeper » couronnée d’une coiffe décorée de sculptures ressemblant à des sculptures Nok. La mère de Watkiss étant couturière, le travail de sa fille rappelle donc une lignée d’artistes noires travaillant avec des textiles et des vêtements, tel que Jae Jarrell et Faith Ringgold. Dans l’exposition cependant, les vêtements sont rendus sur du papier plutôt que sur du tissu.

Vue de l'installation : La vérité abstraite des choses | Charmaine Watkiss & Andrew Hart | Tiwani Contemporary | 23 juillet - 12 septembre 2020 Crédit photo : Deniz Guzel
Vue de l’installation : La vérité abstraite des choses – The Abstract Truth of Things | Charmaine Watkiss & Andrew Hart | Tiwani Contemporary | 23 juillet – 12 septembre 2020 © Crédit photo : Deniz Guzel

Les œuvres et le fond musical servent à créer une réalité alternative pour les personnes noires en dehors des notions conventionnelles de celle de la vie réelle. L’exposition commence avec une atmosphère sereine, puis s’intensifie avec une observation plus attentive de l’œuvre ; la musique semble aller crescendo à mesure que le spectateur s’approche de l’installation au fond de la galerie, où se trouvent les haut-parleurs.

Traces of Memory est une série de onze cyanotypes sur papier, montés directement sur le mur de la galerie qui a été peint d’un bleu profond.

Chaque cyanotype présente une silhouette bleue d’un personnage féminin aux cheveux coiffés en bantu knots – un personnage qui est vu pour la première fois dans The Empress, , une autre pièce présentée dans l’exposition. Chaque représentation de cette figure varie en fonction des motifs dont elle est ornée, qui semblent être des constellations. La musique s’élève, vous invitant à regarder profondément le ciel étoilé à l’intérieur de chaque silhouette, un clin d’œil aux innombrables possibilités et à la grande magie qui existent en chacun de nous. S’éloigner de l’envoûtante combinaison de sons et de visuels, était comme cligner des yeux après une rêverie. J’ai eu l’impression pendant un instant d’avoir voyagé dans l’espace et le temps.

La Vérité abstraite des choses
Exposition à voir à la galerie Tiwani Contemporary
Jusqu’au 12 Septembre 2020
Londres, Royaume-Uni

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À propos de l’auteur

Aurella Yussuf

Aurella Yussuf est une rédactrice et historienne de l'art basée au Royaume-Uni. Elle est membre fondateur du collectif de recherche interdisciplinaire Thick/er Black Lines. Ses écrits ont été publiés dans Hyperallergic, Frieze, Arts.Black et d'autres publications artistiques.

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