Exhibition overview Kapwani Kiwanga, new work, 2020, at formerly known Witte de With Center for Contemporary Art. Photographer: Kristien Daem.

Kapwani Kiwanga; Fleurs en Papier : Une Étude de la Résistance par la Botanique

Kapwani Kiwanga, The Marias, 2020, paper flowers, courtesy the artist. Exhibition overview Kapwani Kiwanga, new work, 2020, at formerly known Witte de With Center for Contemporary Art. Photographer: Kristien Daem.
Kapwani Kiwanga, Les Marias, 2020, fleurs en papier, avec l’aimable autorisation de l’artiste. Aperçu de l’exposition Kapwani Kiwanga, new work (nouvelle œuvre), 2020, au Centre d’art contemporain Witte de With, anciennement connu maintenant Kunstinstituut Melly. Photo : Kristien Daem.

« Quel est le rôle des plantes dans l’histoire de la lutte humaine pour la libération ? Cette question fût le point de départ d’une conversation entre l’artiste Kapwani Kiwanga – artiste franco-canadienne (née à Hamilton, Canada) basée à Paris, laureate du prix Marcel Duchamp 2020 – avec la commissaire d’exposition et théoricienne iLiana Fokianaki, en charge de l’exposition individuelle « Kapwani Kiwanga, New work » en cours au Kunstinstituut Melly anciennement nommé “Witte de With Centre d’art Contemporain ». iLiana Fokianaki (née en 1980, Grèce) est curatrice, théoricienne et éducatrice, basée à Athènes et à Rotterdam. Ses recherches se concentrent sur les formations de pouvoir et la manière dont elles se manifestent sous l’influence de la géopolitique, de l’identité nationale et des histoires culturelles et anthropologiques.

Cette exposition au Kunstinstituut Melly présente un nouveau corpus d’œuvres de l’artiste. La série The Marias, 2020 s’articule autour des épistémologies de la botanique, de ses histoires et de leur relation avec les actes de résistance. L’artiste examine le rôle des plantes dans l’automédication, la subsistance et l’autoprotection, tout en considérant les plantes comme des témoins de l’histoire humaine. Kapwani Kiwanga examine comment les plantes peuvent se métamorphoser de pharmakon (médicament) en poison. Pour elle, l’équilibre précaire entre les deux met en évidence un autre concept important : l’opacité, ou, la visibilité et l’invisibilité de la résistance.

Les universitaires et les théoriciens qui se penchent sur l’histoire de l’inégalité raciale ont proposé l’opacité comme expression de la résistance. Le théoricien martiniquais Édouard Glissant parle de l’opacité comme du refus d’être visible, compris ou catégorisé. Cette ligne de pensée a été poursuivie par l’écrivain afro-américaine Saidiya Hartman, qui identifie l’opacité comme l’obscurité et appelle à « respecter le droit de l’obscurité ». L’opacité/obscurité est en contradiction flagrante avec l’hyper-visibilité du corps contrôlé, imposée par les récits dominants, et les pratiques d’appropriation de l’exposition, vues dans la science de la botanique à partir du XVIe siècle.

En examinant l’histoire de la résistance à travers la botanique, il est important de mettre en évidence les histoires de la migration forcée la plus massive de l’histoire de l’humanité. L’histoire botanique de l’esclavage et des plantes qui ont été apportées au « Nouveau Monde » par les Africains et leurs ravisseurs, est une façon de retracer les actes de résistance pendant la traite transatlantique des esclaves. Il se produit un échange forcé de plantes de l’Ancien et du Nouveau Monde : comme la réglisse sauvage rouge et noire, le benne (sésame), l’igname, le gombo, les pois à œil noir. Certains de ces aliments cultivés avaient un usage médicinal. Cet échange colonial forcé de plantes à travers l’Atlantique a réorganisé la pharmacopée des Amériques. Les formes de résistance documentées dans l’histoire de l’esclavage étaient à la fois collectives et individuels, tels que : sabotage, fifire, suicide, soulèvements armés, évasions, et infanticide.

Kapwani Kiwanga, Semence, 2020, céramique émaillée, avec l'aimable autorisation de l'artiste. Aperçu de l'exposition Kapwani Kiwanga, nouvelle œuvre, 2020, au Centre d'art contemporain Witte de With, renommé Kunsintituut Melly. Photographe : Kristien Daem.
Kapwani Kiwanga, Semence, 2020, céramique émaillée, avec l’aimable autorisation de l’artiste. Aperçu de l’exposition Kapwani Kiwanga, nouvelle œuvre, 2020, au Centre d’art contemporain Witte de With, renommé Kunsintituut Melly. Photographe : Kristien Daem.
Kapwani Kiwanga, Semence, 2020, glazed ceramics, courtesy the artist. Exhibition overview Kapwani Kiwanga, new work, 2020, at formerly known Witte de With Center for Contemporary Art. Photographer: Kristien Daem.
Kapwani Kiwanga, Semence, 2020, céramique émaillée, avec l’aimable autorisation de l’artiste. Aperçu de l’exposition Kapwani Kiwanga, nouvelle œuvre, 2020, au Centre d’art contemporain Witte de With, renommé Kunsintituut Melly. Photographe : Kristien Daem.

Les femmes sont encore plus vulnérables que les hommes, non seulement à l’enlèvement de leur pays, mais aussi au viol et à la torture. Comme le note la théoricienne Saidiya Hartman dans son ouvrage fondamental Scenes of Subjection – qui examine les violences lentes et rapides du droit américain du XIXe siècledans les cas de viol et de violence sexuelle, « les esclaves n’étaient pas des sujets de droit commun, donc pas protégés contre le viol ».1Saidiya Hartman, Scenes of Subjection, Oxford University Press, 1996, p.80. Ces constellations pro-capitalistes ont fait en sorte que les humains étaient considérés comme une forme de marchandise, comme une propriété. « L’esclave était soit un objet sans volonté, soit un sujet châtié ».2ibid. « Le viol des femmes noires existait en tant que condition tacite mais normative, relevant pleinement des pratiques sexuelles quotidiennes ».3ibid., p.85.

Une des façons pour les femmes esclaves de briser la chaîne des moyens de production de cette exploitation, qui exige la reproduction, était de refuser de se reproduire. De nombreuses femmes ont eu recours à des plantes abortives telles que la racine de coton, connue également sous le nom de fleur de paon (Caesalpinia pulcherrima), en s’appuyant sur les connaissances médicinales des guérisseurs, perdues au fil des siècles.

Kapwani Kiwanga, Seed bank, 2020, wool weave and glazed ceramics, courtesy the artist. Exhibition overview Kapwani Kiwanga, new work, 2020, at formerly known Witte de With Center for Contemporary Art. Photographer: Kristien Daem.
Kapwani Kiwanga, Banque de graines, 2020, tissage de laine et céramique émaillée, avec l’aimable autorisation de l’artiste. Aperçu de l’exposition Kapwani Kiwanga, nouvelle œuvre, 2020, au Centre d’art contemporain Witte de With, renommé Kunsinstituut Melly. Photo : Kristien Daem.

Kapwani Kiwanga a chargé l’artisan local Anouk Böhmer de recréer la plante de la fleur de paon, dans deux de ses phases de croissance. La plante se trouve dans l’espace d’exposition en dehors de son environnement naturel, mais aussi dans les vitrines fermées qui ont fini par définir les mécanismes d’exposition des musées botaniques et ethnographiques des siècles précédents. Ces mécanismes amènent également le spectateur à repenser de tels héritages d’exposition et de normalisation, dont le musée contemporain a hérité.

Kapwani Kiwanga, The Marias, 2020, paper flowers, courtesy the artist. Exhibition overview Kapwani Kiwanga, new work, 2020, at formerly known Witte de With Center for Contemporary Art. Photographer: Kristien Daem.
Kapwani Kiwanga, Les Marias, 2020, fleurs en papier, avec l’aimable autorisation de l’artiste. Aperçu de l’exposition Kapwani Kiwanga, new work (nouvelle œuvre), 2020, au Centre d’art contemporain Witte de With, anciennement connu maintenant Kunstinstituut Melly. Photo : Kristien Daem.

Le désir de Kapwani Kiwanga de dévoiler les plantes comme protagonistes de « l’opacité de la résistance », relie les histoires de résistance des siècles précédents aux histoires modernes des mouvements en faveur des droits civils et du mouvement mondial antiraciste actuel tel un printemps. L’artiste et la commissaire d’exposition Fokianaki ont donc discuté de la création d’une nouvelle œuvre supplémentaire en réponse aux événements actuels. Leur dialogue fût centré sur le rapprochement des actes de résistance passés et présents, ainsi que sur l’attention portée à la violence et aux inégalités raciales en Occident et au-delà. Cette nouvelle œuvre s’inspire de la chanson des droits civils, Mississippi Goddam (1964), de Nina Simone, qui a fait date.

Kapwani Kiwanga, new work ( nouvelle oeuvre)
Commissaire d’exposition iLiana Fokianaki
Exposition individuelle à découvrir jusqu’au 21 Mars 2021
Au Kunstinstituut Melly et sur leur site internet
Rotterdam, Pays-Bas

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